Where Winds Meet : Un jeu gratuit qui réinvente le modèle économique des jeux vidéo en confrontant les cultures occidentale et asiatique

Titre original : Where Winds Meet est gratuit et encore plus généreux que Genshin Impact, mais ce point change tout et en dit long sur nous

Annoncé il y a 3 ans, Where Winds Meet débarque enfin chez nous dans un format free-to-play qui en a surpris plus d’un vu son ambition. Si on pourrait facilement le comparer à Genshin Impact par son modèle économique et sa structure, il se distingue du jeu de HoYoverse sur un point majeur qui met en lumière une différence insoupçonnée entre joueurs asiatiques et occidentaux.

Ouf, plus de peur que de mal ! Il y a quelques semaines, je vous faisais part de mes premières impressions alarmantes sur la bêta de Where Winds Meet (WWM) à cause de nombreux problèmes techniques. Alors que le titre s'est lancé officiellement le 14 novembre dernier, la plupart de ces soucis semblent s'être volatilisés au vu des premiers retours, montrant un décalage entre la qualité de la bêta et la version 1.0. Résultat des courses, Where Winds Meet est un carton avec plus de 250.000 joueurs en simultané sur Steam lors de sa première semaine et 85% d'évaluations positives.

Après le succès de Black Myth : Wukong, WWM prouve une fois de plus que le jeu vidéo chinois peut nous surprendre. Pourtant, par son format free-to-play et sa structure, le titre de NetEase serait bien plus à rapprocher de Genshin Impact... à une différence majeure qui introduit peut-être un modèle économique inédit chez nous. Cependant, ce système pourrait ne pas fonctionner aussi bien en Occident qu'en Asie, montrant une consommation différente du jeu vidéo dans le monde.

Where Winds Meet, un clone de Genshin ? Pas vraiment !

Pour que tout le monde soit à la page, rappelons que Genshin Impact est un jeu gratuit de type gacha, c'est-à-dire qu'il propose un système de loterie pour obtenir un élément important au fonctionnement du jeu. Dans Genshin, on invoque des personnages et leurs armes afin de les jouer ensuite, donnant accès à un nouveau gameplay. Malgré ça, l'histoire principale du jeu peut très bien être complétée sans obtenir les meilleurs personnages. En revanche, il faut régulièrement récupérer les derniers combattants pour être au niveau du contenu endgame. Mais là où HoYoverse est particulièrement fort, c'est qu'on est tenté d'obtenir le dernier personnage à cause de son design, ses animations ou sa jouabilité, et donc de dépenser de l'argent réel. Mais en dehors de ce système d'invocation, d'un passe de combat et de tenues, tout le contenu est disponible gratuitement.

Dans le cas de Where Winds Meet, il n'y a pas de système de gacha tout court. On n'incarne un seul personnage, son propre avatar, et tout peut être obtenu gratuitement à l'exception des objets cosmétiques. Ainsi, WWM génère des revenus en vendant des costumes et autres éléments visuels qui peuvent coûter autant quelques euros que des dizaines de milliers, comme en témoigne ce joueur qui a acheté un bâteau pour 40.000$ et qui en a fait profiter tous les joueurs de son serveur. Joli geste ! Ce modèle économique entièrement gratuit hormis les cosmétiques a de quoi étonner. Je me souviens que de nombreux internautes avaient été surpris d'apprendre que WWM était free-to-play au moment de son annonce. Mais pour les joueurs chinois, cette décision fait sens car nous n'avons pas la même conception du jeu vidéo.

Where Winds Meet met en lumière la différence entre l'Occident et l'Asie

Récemment, j'ai découvert une interview de Naoki Yoshida, réalisateur et producteur de Final Fantasy XIV Online, qui expliquait que la Corée détient le record mondial de consommation de filtre d'illusion, un objet payant qui permet de changer l'apparence de son personnage. Sauf qu'une potion coûte... la moitié d'un mois d'abonnement. Et cette déclaration m'a fait comprendre quelque chose d'essentiel sur le modèle économique de Where Winds Meets : c'est à quel point les joueurs asiatiques accordent une importance à l'apparence de leur personnage et sont prêts à mettre la main à la poche pour ça. Et d'ailleurs, FFXIV semble lui-même l'avoir bien compris puisque sa version mobile disponible uniquement en Chine propose des éléments cosmétiques exclusifs qui ne sont pas le jeu d'origine.

Chez nous en Occident, on sait que Fortnite a fait sa fortune ainsi. Sauf que c'est un jeu multijoueur où l'on peut briller auprès des autres, notamment chez les plus jeunes pour qui le titre devient une "cours de récré virtuelle". Mais dans le cas de Where Winds Meet, même si ce dernier est présenté comme un MMO puisqu'on peut y jouer en ligne sur des serveurs, il reste fondamentalement une expérience solo dans sa structure. Dans cette optique de jouer seul à WMM, payer un skin, c'est donc plus en profiter soi-même que pour briller auprès des autres.

L'importance accordée à l'apparence et à la reconnaissance

Pour comprendre cette importance accordée à l'apparence, il suffit de voir le succès de Stellar Blade, surtout en Chine lors de sa sortie sur PC. Si le physique d'Eve a fait l'objet de nombreux débats en Occident, il a clairement été un argument de ventes majeur en Asie tant les joueurs aiment incarner de beaux personnages. Le succès des gachas en Asie qui misent sur des personnages au modèle toujours plus peaufiné et au design plus élaboré pour convaincre de passer à la caisse va également dans ce sens.

L'autre grande différence entre joueurs occidentaux et asiatiques, c'est cette propension à dépenser dans des jeux gratuits. En Occident, on cherche plutôt d'éviter à tout prix de passer à la caisse, à la fois car la question de l'argent est sensible dans les débats autour du jeu vidéo, mais aussi par fierté de dire qu'on n'a pas "cédé à la facilité" en passant à la caisse. En Asie, cela est beaucoup moins un problème et il suffit de voir les revenus mensuels des jeux free-to-play entre les versions globales et asiatiques pour être convaincues. Cette mentalité différente se ressent aussi dans le fait que les joueurs asiatiques dépensent plus facilement dans les jeux gratuits pour "rémunérer les développeurs" qui proposent une expérience sans frais supplémentaires, réflexe que nous n'avons pas forcément en Occident.

Revenus généré par le gacha Love and Deepspace en octobre 2025, divisé par régions

Where Winds Meet est gratuit et encore plus généreux que Genshin Impact, mais ce point change tout et en dit long sur nous

Pour toutes ces raisons, le modèle économique de Where Winds Meet apparaît inédit chez nous, surtout à cette ampleur, et à cause de ça, je ne suis pas sûr qu'il rencontre un aussi grand succès (d'un point de vue financier) que dans son pays d'origine. Au-delà du fait que le titre s'adresse clairement à un public chinois par son cadre de Chine médiévale, ce réflexe de payer des cosmétiques pour le plaisir de jouer un beau personnage ou simplement de rémunérer les développeurs ne fait pas partie de nos habitudes. Reste à savoir si WMM ne va pas devenir le pionnier d'un nouveau système économique qui va finir par s'imposer comme l'a fait Genshin Impact en son temps.