Avec Evelyn, le documentariste britannique Orlando von Einsiedel transforme le deuil en acte de guérison collective. À travers un voyage familial empreint de sincérité et de pudeur, il signe l’un des films les plus bouleversants jamais réalisés sur le suicide et la résilience.
Le documentaire britannique Evelyn (2018), disponible sur Netflix, est une œuvre d’une rare intensité, saluée pour la justesse de son regard sur le deuil. Réalisé par Orlando von Einsiedel, le film explore les répercussions du suicide de son frère, Evelyn, survenu treize ans plus tôt. Refusant de céder à la simple introspection, la famille choisit de marcher à travers les paysages que le disparu affectionnait, dans une quête à la fois mémorielle et libératrice. Décrit par les critiques comme un « regard brut et puissant sur une famille tentant de donner un sens au suicide », Evelyn a ému par sa pudeur et son humour discret. Produit par Grain Media et Violet Films, le documentaire a remporté le prix du Meilleur Documentaire aux British Independent Film Awards 2018.
Un voyage pour apprivoiser le silence
Connu pour ses œuvres fortes (Virunga, The White Helmets), Orlando von Einsiedel s’attaque ici au drame le plus intime de sa vie. Face à la caméra, il n’y a ni acteurs ni artifices : seulement les membres de sa famille — Gwendolyn (Gwennie), Robin (Robbie) et Harriet Einsiedel —, unis par le besoin de parler de ce qui fut longtemps tu.

La critique Sr. Rose Pacatte confie avoir été « profondément émue par la simplicité de ce film doux et le courage qu’il a fallu pour le réaliser ». Et ce courage ne tient pas seulement à la confession personnelle : Evelyn agit aussi comme une œuvre de sensibilisation, brisant le tabou qui entoure encore le suicide. Le magazine GQ rappelle que le suicide demeure la première cause de mortalité chez les jeunes hommes britanniques, tandis que le site officiel du film redirige vers plusieurs services d’aide. Pour David Ehrlich d’IndieWire, Evelyn invite le spectateur à « regarder à travers l’œil d’une tempête impitoyable », révélant une douleur universelle partagée par des millions de familles.
Une mise en scène au plus près de l’émotion
L’une des forces du film réside dans sa mise en scène ingénieuse, conçue pour préserver l’authenticité des échanges. Le chef opérateur Franklin Dow a imaginé un dispositif unique : une caméra stabilisée fixée à son dos, lui permettant de filmer les conversations en marchant, sans interférer avec la spontanéité des protagonistes. Ce procédé donne à chaque plan une profondeur émotionnelle saisissante, comme si le spectateur marchait lui aussi aux côtés de la famille. La musique, signée Patrick Jonsson — collaborateur régulier de von Einsiedel —, enveloppe le film d’une douceur mélancolique. La sœur du réalisateur, Gwendolyn Einsiedel, musicienne, y ajoute une chanson originale, prolongeant l’émotion du récit jusque dans la bande sonore.