L'usage problématique des jeux vidéo chez les adolescents : un symptôme caché de troubles psychologiques sous-jacents

Titre original : Santé mentale : pourquoi l’usage problématique des jeux vidéo chez les ados cache souvent autre chose

Alors que l’Organisation mondiale de la Santé reconnaît le trouble du jeu vidéo comme une véritable pathologie mentale, la question de son origine divise toujours dans les foyers. Est-il le moteur de la détresse psychologique des adolescents ou seulement son reflet ? De nouvelles recherches apportent encore une fois un éclairage qui bouscule bien des idées reçues. Cet article est rédigé dans le cadre de la semaine de la santé mentale.

Quand les jeux vidéo deviennent un refuge plutôt qu’un danger

Depuis plusieurs années, la pratique jugée excessive des jeux vidéo chez les adolescents suscite débats et inquiétudes. Avec la reconnaissance officielle par l’OMS de ce trouble dans la classification ICD-11, il n’est plus contesté que certains jeunes développent une relation pathologique au jeu. On estime d’ailleurs que près de 8,5 % des adolescents en seraient affectés. Mais derrière ce constat se cache une question essentielle, qui préoccupe autant les chercheurs que les parents : les jeux vidéo provoquent-ils réellement ces troubles, ou ne sont-ils qu’un exutoire face à des difficultés psychologiques préexistantes ?

Longtemps, on a pensé que détresse mentale et usage problématique s’alimentaient mutuellement, formant un cercle vicieux. Pourtant, des travaux récents invitent à revoir cette perspective. Une vaste étude menée par Kylie Falcione et René Weber, du Media Neuroscience Lab de l’université de Californie à Santa Barbara, a suivi plus de 4 000 adolescents américains âgés de 11 à 14 ans sur trois ans. Leurs conclusions, publiées dans JAMA Network Open, remettent sérieusement en question l’idée que le jeu vidéo soit la cause première de ces maux.

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L’analyse montre que des niveaux élevés de troubles psychologiques au départ augmentent fortement le risque de développer un trouble du jeu un an plus tard. À l’inverse, souffrir de ce trouble ne semble pas favoriser l’apparition ou l’aggravation ultérieure de la psychopathologie. « Le problème existait souvent avant, et les comportements de jeu compulsif apparaissent davantage comme un symptôme de ces difficultés préexistantes », explique Kylie Falcione. Autrement dit, pour de nombreux adolescents, jouer de façon excessive constitue avant tout un mécanisme d’adaptation… mais un mécanisme inefficace.

Santé mentale : pourquoi l’usage problématique des jeux vidéo chez les ados cache souvent autre chose
Pensez à votre santé mentale

Si vous ou quelqu’un de votre entourage souffre actuellement d’un trouble mental, voici quelques pistes pour vous aider :

  • Le 3114, numéro national souffrance et prévention suicide, gratuit et accessible 7/7 et 24/24 sur l’ensemble du territoire (métropole et Outre-Mer). Pour les personnes en détresse psychique, leur entourage, les personnes endeuillés suite au suicide d’un proche et les professionnels en lien avec des personnes suicidaires.
  • Le 0 800 235 236, Fil Santé Jeunes, permanence d’écoute téléphonique (9h à 23h) et tchat individuel (9h à 22h) anonyme et gratuit pour les 12-25 ans sur les thèmes de la santé, le mal être, l’amour…
  • Nightline, ligne d'écoute nocturne anonyme et gratuite accessible 7/7 de 21h à 2h30, pour les étudiants et par des étudiants. Un numéro spécifique par région (Lille, Lyon, Paris, Pays de la Loire, Saclay et Toulouse)
  • Le 0 980 980 930, Alcool info service, information, soutien, conseil et orientation pour les personnes en difficulté avec l’alcool et leurs proches, service anonyme et gratuit accessible 7/7 de 8h à 2h
  • Mon soutien psy, dispositif de l’Assurance Maladie permettant de bénéficier de 8 séances remboursées par an chez un ou une psychologue partenaire. Plus d’informations ici.
  • Pour plus d’informations sur la semaine de la santé mentale, rendez-vous sur cette page.

Dépression, anxiété, TDAH : les vrais ennemis à combattre

Quels troubles se cachent derrière ce recours compulsif aux jeux ? Les données scientifiques montrent que la comorbidité est la règle plutôt que l’exception. Parmi les adolescents concernés, 92 % présentent de l’anxiété, 89 % de la dépression, 85 % un TDAH et 75 % des difficultés sociales. La dépression se révèle d’ailleurs être le facteur le plus fortement associé au développement ultérieur d’un trouble du jeu. Même en tenant compte d’autres facteurs de risque connus comme impulsivité, conflits familiaux, expériences d’intimidation ou encore sexe (les garçons étant jusqu’à quatre fois plus touchés), les liens entre psychopathologie initiale et addiction au jeu persistent. Des résultats qui, clairement, soulignent l’importance de traiter en priorité les troubles mentaux sous-jacents pour prévenir l’apparition de comportements problématiques liés aux jeux vidéo.

Falcione insiste d’ailleurs sur un point : retirer les jeux à un adolescent sans traiter la cause profonde n’a que peu d’effet. Pire, cela peut conduire à des rechutes plus sévères ou au transfert de la dépendance vers d’autres comportements. Les professionnels de santé mentale sont donc encouragés à inclure un dépistage de l’usage problématique des médias lorsqu’ils évaluent des adolescents présentant des troubles intériorisés. En définitive, considérer l’usage pathologique du jeu comme le symptôme d’un déséquilibre psychologique plus large change la manière d’aborder la prévention et le soin. La clé se trouve moins dans la suppression des écrans que dans la prise en charge précoce et ciblée du bien-être émotionnel des jeunes.