Star Citizen est un jeu vidéo qui déchaîne les passions. Pour certains, c’est une arnaque monumentale ; pour d’autres, le futur du MMO. Hugo Lisoir, un célèbre Youtubeur français, livre un témoignage poignant et lucide sur son parcours débuté il y a 10 ans : une véritable odyssée personnelle qui reflète celle de milliers de joueurs.
Il y a des jeux qui marquent une vie, et il y a Star Citizen. Un projet hors norme, un monstre de technologie et d'ambition qui promet la lune aux joueurs. Jouable en accès anticipé depuis plus d'une décennie, il n'a pas encore de date de sortie. Après tout ce temps, que reste-t-il des promesses initiales ?
Pour y voir plus clair, rien de tel que le regard d'un vétéran, un passionné de la première heure. Dans une vidéo bilan fleuve, Hugo Lisoir, Youtubeur surtout célèbre pour sa chaîne dédiée à l'espace, a décidé de vider son sac et de raconter ses dix ans de relation avec le jeu. Une histoire faite de rêves, de claques monumentales, mais aussi de désillusions et de compromis.
De Star Wars à Star Citizen : la naissance d’un rêve spatial
Pour comprendre l'attachement viscéral d'Hugo à Star Citizen, il faut remonter le temps, près de vingt ans en arrière. Gamin, il dévorait les jeux spatiaux comme Freelancer ou Mass Effect, bercé par l'idée d'un univers infini et immersif. Un rêve qui prend une forme plus concrète, mais aussi plus frustrante, avec la découverte d'OGame, un jeu de stratégie sur navigateur. La déception est à la hauteur de l'imagination d'un enfant de 12 ans : des tableaux, des chiffres, bien loin du fantasme d'un MMO en 3D où l'on pourrait piloter son propre vaisseau.
L'idée d'un jeu spatial, immersif, vivant et multijoueur est resté planté comme une graine dans ma tête.
Les années passent, et la lassitude s'installe. Nous sommes en 2014, et le paysage vidéoludique semble tourner en rond. Notre futur Youtubeur, comme beaucoup d'autres, se sent abandonné par une industrie qui ne jure que par les suites et les mécaniques éprouvées, l'ère des "safe bets" comme il l'appelle. Et puis, la lumière. Il tombe sur une vidéo qui présente un projet fou : Star Citizen. Pour lui, c'est une révélation. L'ambition démesurée, les vaisseaux au design incroyable, la promesse d'une immersion totale... tout y est. C'est le coup de foudre, la concrétisation d'une attente longue de dix ans.
Star Citizen c'était exactement le projet dont je rêvais quand j'avais 12 ou 13 ans. (...) C'est un jeu que j'attendais depuis que j'étais gosse.

La promesse d’un jeu radical : quand Chris Roberts voulait nous faire souffrir
Ce qui a transformé l'intérêt en véritable passion, ce n'est pas seulement la prouesse technique, mais la vision philosophique du jeu. À l'époque, Chris Roberts, le créateur du projet, ne mâchait pas ses mots. Il voulait rompre avec les standards du MMO, où la mort n'est qu'une pénalité mineure et où les quêtes se répètent à l'infini. Dans un célèbre article de 2013, "Death of a spaceman", il détaillait une vision radicale, presque punitive :
Je déteste la tendance actuelle des jeux solo où le jeu sauvegarde automatiquement toutes les 2 secondes et où en cas de mort, on recommence quelques états plus tôt. (...) Chaque mort abîme votre corps. Après trop de mort, le corps de votre personnage finira par lâcher et au lieu de vous réveiller dans une infirmerie, vous assisterez aux funérailles de votre personnage disparu.
Cette promesse d'un univers où chaque action a des conséquences, où la vie est précieuse, a fait vibrer des milliers de joueurs. L'idée qu'un PNJ important, doublé par un acteur connu, puisse être définitivement tué par une escouade de joueurs bien organisée était, pour le Youtubeur, complètement folle et excitante. C'est cette audace, cette prise de risque, qui a fait exploser le financement participatif. Star Citizen ne se présentait pas comme un simple jeu, mais comme une véritable simulation de vie dans un futur hostile et imprévisible.

Star Citizen : le temps, l’argent et les compromis
Le rêve était beau, mais la réalité de la production est un monstre froid et complexe. Le développement de Star Citizen est une épopée en soi, marquée par des coups de génie, comme le débauchage des meilleurs ingénieurs du moteur 3D CryEngine pour créer des planètes explorables, et par des défis titanesques. Le fameux "Server Meshing", technologie clé pour faire coexister à terme des milliers de joueurs, aura nécessité à lui seul six ans de recherche et développement. Un temps incroyablement long qui a eu des conséquences profondes sur le projet.
Pour financer cette R&D interminable sans l'appui d'un éditeur, Cloud Imperium Games (CIG) a dû continuellement vendre du contenu. Des vaisseaux, bien sûr, mais aussi des skins, des terrains virtuels, et même des objets de décoration pour les hangars. Une stratégie qui a nourri le projet, mais qui a aussi ouvert la porte à des accusations de "pay-to-win" et, surtout, qui a commencé à éroder la vision initiale. Comme le souligne le Youtubeur, le studio a fini par survendre et surarmer sa communauté, créant un déséquilibre flagrant avec l'univers et son lore.
Cette dérive s'observe aussi dans le gameplay. Le Valakar, ce ver des sables géant présenté comme une créature légendaire, en est l'exemple le plus frappant. Le rêve ? Une bête mythique, quasi impossible à trouver, dont la simple apparition serait un événement historique pour les joueurs. La réalité ?
Le Valakar aurait pu être un mythe, il n'est finalement qu'un boss de MMO farmable.
Une mission permet désormais de le chasser en boucle, brisant net le sentiment d'immersion et d'exception. Pour Hugo Lisoir, c'est le symbole d'un jeu qui, pour satisfaire une base de joueurs de plus en plus large et diverse, a renoncé à son intransigeance.

Star Citizen en 2025 : un MMO « classique » dans un écrin fantastique ?
Après dix ans, le bilan est doux-amer. Le vidéaste le reconnaît sans peine : la claque technique et visuelle est toujours intacte. Atterrir sur une planète, sentir l'immensité de l'espace, reste une expérience inégalée. Pourtant, derrière ce décor somptueux, le gameplay peine à surprendre.
C'est d'un classicisme fou. On amène une boîte d'un point A à un point B. On doit tuer tous les PNJ dans un lieu. (...) En terme de gameplay, on est sur un MMO archi classique.
D'après Hugo, le rêve d'un jeu punitif et radical semble s'être évaporé au profit d'une expérience plus accessible, plus conventionnelle, pour ne pas effrayer les centaines de milliers de nouveaux joueurs. Le studio semble désormais avoir peur de la réaction de sa propre communauté à chaque fois qu'il tente d'introduire une mécanique un tant soit peu contraignante.
Malgré tout, la passion demeure. Le Youtubeur l'avoue : il s'est fait une raison. Il n'attend plus le jeu hardcore de 2013, mais il attend avec impatience la version finale 1.0 et ses promesses de construction de base et de crafting. Et pourquoi reste-t-il encore sur Star Citizen ? La réponse est simple et touchante :
Je crois que si je suis encore là après ces 10 ans, c'est uniquement par passion parce que c'est mon rêve de gosse. Certes, un rêve malmené, parfois martyrisé, mais qui continue d'avancer et qui, peut-être, sortira un jour.
Une conclusion qui résonnera sans doute chez de nombreux citoyens des étoiles, naviguant entre l'admiration pour un projet unique et la nostalgie d'une promesse qu'ils espèrent bientôt devenir réalité.