Alors que Jurassic World Renaissance s’apprête à croquer les spectateurs dans les salles obscures, j’en ai profité pour me refaire l’intégrale de toute la saga commencée en 1993 par Steven Spielberg. Le premier épisode reste ce monstre sacré intouchable dans mon esprit : on n’a pas fait meilleur Jurassic Park depuis !
Cet article étant un billet d’opinion, il est par nature 100 % subjectif. L'avis de l'auteur est personnel et n'est pas représentatif de celui du reste de la rédaction de JV. Bonne lecture !
Sommaire
- Ils ont dépensé sans compter
- Disneyland avec des dinos voraces
- “Faites-moi penser à remercier John pour ce charmant weekend”
- Un “simple gros film” ?
Ils ont dépensé sans compter
Il y a très longtemps, pas à l'ère Mésozoïque, mais presque… Nous sommes à la fin du mois d’octobre 1993 et je suis assis dans une grande salle sombre, prêt à voir des chèvres se faire dévorer par des T-Rex. L’excitation est à son comble, comparable à celle que l’on ressent juste avant de fouler le sol d’un parc d’attractions lorsque l’on est dans sa première décennie de vie. Quand Jurassic Park griffe les salles de cinéma françaises, cela fait plusieurs semaines que les six chaînes télévisées accessibles sur les écrans à tubes cathodiques vantent ses qualités. On le dit “impressionnant”, avec des effets spéciaux tellement “réalistes” que l’on a l’impression que de véritables dinosaures ont participé au tournage. Au journal télévisé de France 2 diffusé le 18 octobre 1993, les journalistes évoquent des créatures “plus vraies que nature”, grâce aux “images de synthèse utilisées pour la première fois à cette échelle” qui sont “extraordinaires”. “C’est le film de la démesure” qui dispose “du plus gros budget de l’histoire du cinéma”, entend-on à son sujet. Comment ne pas trépigner d’impatience ?

Comme beaucoup d’enfants nés à la fin des années 1980, en 1993, j’apprécie les dinosaures. Des monstres terribles souvent gigantesques qui ont vraiment existé sur notre planète et dont on retrouve encore des ossements, ça a de quoi interpeller les petites têtes blondes, non ? Je ne sais pas si c’est l’effet “Denver, le dernier dinosaure” (1989) ou si c’est l’arrivée du documentaire “La Vallée des Dinosaures” (1988) dont on trouvait la VHS partout, mais la “dinomania” s’installe dans de nombreux foyers. Au début de l’année 1993, il y a carrément un magazine consacré à ces animaux colossaux qui sort chez les marchands de journaux. Sobrement intitulé “Dinosaures”, il propose des lunettes anaglyphes 3D pour voir de jolies illustrations en relief tandis qu’à chaque nouveau numéro, une nouvelle pièce d’un squelette de T-Rex à reconstituer – en plastique phosphorescent – est fournie !

Disneyland avec des dinos voraces
Avant l’arrivée du film de Steven Spielberg, les dinos sont déjà dans les chambres ainsi que dans certaines vidéothèques. Le reboot de la série “''Land of the Lost''” (Les Aventuriers du Monde Perdu en français), sorti chez nous en VHS en 1991, suit les mésaventures de Tom et de ses deux enfants qui se retrouvent piégés dans un univers parallèle peuplé de dinosaures lorsque leur jeep tombe dans un portail temporel. De quoi voir des créatures animées en stop-motion pas vraiment convaincantes, mais c’était la manière de faire à l’époque pour donner vie à ce type de monstres. En octobre 1993, quand les lumières s’éteignent et que Jurassic Park est projeté au cinéma, le spectacle qui s’ensuit est tel qu’il restera gravé à tout jamais dans ma mémoire. C’est la première – et ce sera la seule – claque cinématographique de cette ampleur de mon existence.

Par où commencer ? Les dinosaures en CGI et en animatroniques sont d’un réalisme alors inédit dans le monde du cinéma. Je sais que c’est quelque chose que nous lisons souvent, mais il faut vraiment se dire qu’au début des années 1990, montrer des bestiaux aussi énormes, aussi réalistes, aussi bien animés, en images de synthèse, c'était du jamais-vu. La manière dont les dinosaures apparaissent dans le film est également marquante. On devine leur dangerosité lors de l’introduction où seule une silhouette est visible, puis leur splendeur face au troupeau de brachiosaures, on voit ensuite un bébé raptor, un tricératops malade… et, alors que comme les personnages principaux on se demande s’il y a vraiment des dinosaures dans ce parc à dinosaures, la tempête libère le T-Rex. D’abord introduit par ses pas qui font vibrer le sol, puis par ses griffes sur les câbles électrifiés, il apparaît dans la pénombre. C’est la claque ! Si visuellement, le long-métrage est étourdissant de beauté, les oreilles ne sont pas en reste : les cris des dinos glacent le sang alors que la bande originale signée John Williams est un régal.

“Faites-moi penser à remercier John pour ce charmant weekend”
Quand je découvre Jurassic Park à l'âge de sept ans au cinéma, c’est avant tout la claque technique qui me marque, bien sûr. À cet âge, je survole encore ce que signifie l’évolution d’Alan Grant (Sam Neil) tout au long du film. Le fait qu’on donne naissance à des dinos dans le récit alors que le film donne lui-même naissance à des créatures d’un réalisme jamais vu est également une analyse que je n’ai pas. Dans le premier film de Spielberg, les animaux sont dangereux. Il n’y a aucune possibilité de les raisonner ni de les dresser (contrairement à ce que l’on voit dans Jurassic Park 3 et dans les Jurassic World). Il s’agit d’une faune brutale, sauvage, puissante, rapide. Il y a du sang dans Jurassic Park, des bras coupés, des morts peu enviables… bref, c’est impressionnant, surtout pour un jeune public.

Les scènes d’action sont tellement réussies et bourrées de suspens (l’attaque du T-Rex, la jeep dans la voiture, le dilophosaure cracheur, le défilé de gallimimus, les raptors dans la cuisine, etc.) que lorsque la cassette vidéo est arrivée l’année d’après et qu’on me l’a offerte, il m’arrivait de faire avance rapide afin d’arriver plus rapidement à la séquence de l’orage. Je zappais en particulier la scène du dîner, où l’avocat évoque le business model du parc et où Ian Malcolm (Jeff Goldblum) tente d’expliquer à John Hammond (Richard Attenborough) la folie de son projet. Aujourd’hui, c’est une de mes scènes préférées tant elle soulève des questions passionnantes sur la place du créateur, au sens large.
Quand je suis ressorti de la salle de cinéma en 1993, je n’avais plus que deux mots en bouche : Jurassic Park. On m’a ensuite offert le jeu vidéo sorti sur SNES et tout un tas de goodies liés à la licence. J’ai par la suite vu tous les épisodes de la saga, en bon fan, et si vous voulez mon classement, le voilà : Jurassic Park > Jurassic Park 2 > Jurassic World > Jurassic Park 3 > Jurassic World 2 égalité avec Jurassic World 3. J’aime quand les dinosaures sont des bêtes violentes que l’on ne peut pas commander et, de manière plus générale, j’aime quand Jurassic Park n’essaie pas d’être “trop” familial. Je sais que j’en demande beaucoup à une saga aussi populaire qui continue d’être appréciée par des petits comme de grands enfants. Ah, et s’il vous plaît, arrêtez avec ces histoires de clones humains et de monstres mutants des Jurassic World !

Un “simple gros film” ?
Jurassic Park est sans conteste le film que j’ai le plus revu. Bien que je pense le connaître par cœur, je découvre toujours des détails au fil des visionnages qui me passionnent, qu’il s’agisse d’une manière de jouer une scène (les signes discrets d’agacement de Hammond quand on essaye de le raisonner), ou d’un son sorti de nulle part (le bruitage cartoonesque quand Dennis Nedry, interprété par Wayne Knight, chute de la cascade). À la sortie du film, Le Monde décrit Jurassic Park comme “un simple gros film, plein de gros sous, de grosses bêtes” alors que Libération parle d’un “cauchemar bâclé”.

De mon côté, il m’est impossible de parler objectivement de l'œuvre de Spielberg. Je la trouve brillante, géniale, mais je dois également reconnaître qu’elle est liée à ma tendre enfance, et donc à des souvenirs que je chéris. Je ne peux pas me mettre à la place de quelqu’un qui découvrirait Jurassic Park aujourd’hui. Il est certain que la claque technologique ne sera pas là, et que certains éléments sont datés, en particulier les PCs et les écrans tactiles qui impressionnent tant Lex (Ariana Richards) et Tim (Joseph Mazzello). Si vous avez l’occasion, je vous conseille de regarder la version en 3D du film, sortie en 2013 : autant jouer la carte du grand spectacle à fond.