Ça y est, Death Stranding 2 est là et il est temps de rendre notre verdict. Alors, qu’est-ce que nous a concocté Hideo Kojima pour cette suite ? Ne bougez surtout pas, voici la réponse (sans spoilers).
Six ans après le premier Death Stranding, PlayStation et Kojima Productions - le studio d’Hideo Kojima, au cas où - reviennent avec un second épisode, sous-titré On The Beach. Alors, clairement, on n’est pas là pour faire bronzette sur la plage, les doigts de pied en éventail. La “plage” (la grève en VF), c’est cet endroit qui relie le monde des morts et des vivants, né à la suite du Death Stranding, une catastrophe qui a mis le globe sens dessus dessous. Dans le premier jeu, Sam Porter (Norman Reedus) s’est tapé des livraisons dans tous les États-Unis pour reconnecter le pays. Mais sa mission ne s’arrête pas là. Maintenant, il faut apporter le réseau chiral - une sorte de connexion internet - aux survivants du Mexique et d’Australie. Bon, ben, en avant guingamp ! Pour rappel, Death Stranding 2 sortira le 26 juin prochain en exclusivité sur PS5. On a mis 40h pour finir l’aventure en flânant un peu.
Des personnages secondaires… trop secondaires
Déjà, une remarque : avec cette suite, Kojima a clairement voulu faire quelque chose de plus grand public, de moins clivant, que Death Stranding 1. Ça se ressent dans le gameplay - on y reviendra -, mais aussi dans l’écriture et le scénario. Alors, la plume de cet opus garde une certaine complexité et un certain côté “intellectuel”, notamment parce qu’il faut raccrocher les wagons avec les concepts du premier épisode, mais les enjeux sont ici plus simples, quittes à devenir caricaturaux (Higgs, c’est à toi que je pense).
On va être honnête, Death Stranding 2 nous laissera un souvenir moins impérissable que son aîné. En fait, c’est surtout l’écriture des proches de Sam qui nous a déçus. Dans cet épisode, Sam est clairement plus entouré que par le passé, grâce à l’équipage du Magellan, notre “vaisseau spatial”. Là-dedans, on retrouve Fragile (Léa Seydoux), Rainy, Tomorrow (Elle Fanning) ou encore Tarman, le capitaine du navire. Et faut avouer qu’on n’a pas trop l’occasion de s’attacher à eux. En fait, Death Stranding 2 ne propose pas de discussions annexes, et c’est un peu bizarre dans la mesure où on est censé former un vrai équipage. Les interactions avec tout ce beau monde servent presque un seul et unique but : faire avancer le scénario. Le seul avec qui on peut parler davantage, c’est Dollman (le fameux pantin animé en stop-motion), et encore, ses lignes de dialogue servent souvent à rappeler un moment important du scénario ou à glisser des astuces de jeu. En plus, quand on se balade dans le monde ouvert, on est constamment avec lui et on ne l'entend presque jamais… On en vient à l’oublier.



Bref, ce casting, c’est un peu une occasion manquée, d’autant que Death Stranding 1 avait su être marquant sur ce point. On a quand même vraiment été touché par Neil (le portrait craché de Solid Snake) et Lucy, une thérapeute, même si leur trajectoire aurait mérité d’être explorée davantage. Leur interprète (Luca Marinelli et Alissa Jung) sont d’une justesse impeccable, surtout en VO. La VF, en règle générale, nous a moins convaincus. Dans tous les cas, la “fin fin” du jeu nous a donné ce shoot d’émotion qu’on espérait tant. À noter que DS2 reprend aussi l’essentiel de la structure de son prédécesseur, ce qui ne l’aide pas forcément à construire sa propre identité.
Cette suite introduit des dialogues à choix multiples, qui servent surtout à récolter des infos diverses et variées auprès des Preppers (les personnes qui vous donnent des livraisons). Parfois, ce système s’invite dans des cut-scenes de l’histoire principale, mais vous n’aurez jamais de “vrais choix” à faire. Certains dialogues vous en donneront cependant l’impression, mais si vous choisissez la mauvaise option, la cinématique en question redémarrera jusqu’à ce que vous donniez la bonne réponse.
Rhythm and blues
Par contre, quelque chose de très bien avec l’aventure principale de Death Stranding 2 : c’est mieux rythmé qu’auparavant. Une fois qu’on a passé des premières heures rébarbatives (qui ont des airs de tuto accéléré) et qu’on arrive en Australie, le titre trouve son rythme de croisière. Alors, comme dans Death Stranding 1, vous allez grosso modo enchaîner les livraisons, mais entre deux missions, on vous demandera souvent de revenir au Magellan. Là, vous aurez le droit à une cinématique et à un petit bout de scénario, mais le plus beau dans tout ça, c’est que le Magellan peut se téléporter ! Autrement dit, même si vous allez à l’autre bout du continent, vous pourrez toujours retourner à bord en un clin d'œil, et ça fait du bien de ne pas se taper un trek pour sentir que “les choses avancent”.
Surtout, vous pouvez voyager à bord de Magellan, et même faire des livraisons en vous téléportant (en ayant au préalable reconnecté la région où vous voulez aller, évidemment). Ça peut surprendre, mais ne vous inquiétez pas. Si vous faites ça, vous aurez une évaluation pas terrible auprès des Preppers. Et croyez-moi, vous aurez envie de faire le trajet “normalement” ! Dans Death Stranding 2, ces commanditaires vous donneront une récompense qui vaut le détour presque à chaque fois que vous obtenez une étoile supplémentaire. En gros, les Preppers ont un compteur de likes découpé en cinq paliers. Ces paliers sont symbolisés par des étoiles, et chaque fois que vous en dépassez une, on vous donne un nouvel objet. Et souvent, c’est des trucs super utiles : des variantes d’armes, des améliorations pour votre sac à dos ou pour votre véhicule, voire même des choses complètement inédites. J’ai par exemple gagné un pistolet qui envoie des fléchettes anesthésiantes au bout de la quatrième étoile d’un Prepper (très pratique pour les phases d’infiltration). En plus, les Preppers sont plus attachants que par le passé, et davantage de missions annexes ont le droit à leur petit scénario.

Passion BTP
Clairement, Death Stranding 2 est plus généreux que son prédécesseur côté progression. Enchainer les quêtes vous fera aussi gagner de la “mémoire” pour l’APAS, un nouvel arbre de compétences. Même si ce dernier renferme essentiellement des passifs, il y a quelques skills franchement utiles, et c’est quelque chose qui ponctue agréablement l’avancée de l’aventure. L’un dans l’autre, on est complètement encouragé à enchaîner les missions annexes, et c’est là que la boucle de gameplay si prenante de Death Stranding revient au galop. Parce que oui, dans ce second volet, c’est toujours aussi plaisant de prévoir soigneusement son itinéraire et d’optimiser ses déplacements, en prenant plusieurs livraisons à la fois ou en s’efforçant de reconstruire les routes d’Australie et du Mexique.
Sur ce point d’ailleurs, ce second épisode accueille une nouveauté de taille : les monorails. Au-delà d’être un moyen rapide - et rigolo - d’aller d’un point A à un point B, leur véritable intérêt, c’est de transporter des cargaisons énormes, bien plus que ce que peut faire un camion sur la terre ferme. Après quelques travaux, les monorails seront connectés aux principaux relais du continent, mais aussi à une autre nouveauté, les mines. Dans celles-ci, vous pourrez échanger des cristaux chiraux contre une grande quantité de matériaux, ces mêmes matériaux qui permettent de créer des routes, des parties de monorail ou n’importe quel autre objet qui facilitera vos livraisons. À noter que les routes et les monorails ne peuvent pas être placés librement. Leur emplacement est prédéfini.
Au passage, si vous êtes fan de BTP, le Magellan sera votre meilleur ami. Vous pouvez y stocker des matériaux, et comme l’engin peut se téléporter, ça devient beaucoup plus facile de transporter du matos à l’autre bout du monde. Enfin, comme sur le premier volet, Death Stranding 2 embarque un mode en ligne où les ressources des joueurs sont réunies pour construire tout un tas de choses. C’est grosso modo le même fonctionnement qu’en 2019, il n’y a pas de nouveautés majeures, mais ça reste un plaisir de collaborer ainsi avec le monde entier.


Into the wild
Vous l’aurez compris, dans Death Stranding 2, c’est toujours aussi chouette de s’approprier petit à petit la nature sauvage, nature qui est ici encore plus aboutie que par le passé. L’Australie offre un terrain de jeu vivant, vaste et varié, avec des aléas qui viennent impacter la silhouette même du paysage. Sur ce point d’ailleurs, les inondations et les tremblements de terre étaient plus ou moins vendus comme les “vraies nouveautés” de cet épisode, mais le résultat est un peu décevant. Vos courses seront rarements inquiétées par la montée des eaux, et en ce qui concerne les séismes, ils semblent tous scriptés et représentent rarement une menace (on a quand même un peu transpiré devant une avalanche). On note aussi la présence d’un cycle jour / nuit, qui manquait dans le volet de 2019.
Sur le papier, la nature de Death Stranding 2 est donc tout autant un obstacle que dans le premier opus, mais dans les faits, c’est une autre histoire : vos outils pour l’affronter sont cette fois autrement plus nombreux. Ici, on a rapidement accès à des véhicules et à des objets pour faciliter nos livraisons (on regrette d’ailleurs l’absence de grosses nouveautés sur ces deux points). Et dans l’ensemble, les moments qu’on passe à galérer à pied sont très rares. On passe l’essentiel de notre temps en camion ou à moto, et ça, ça marque une vraie différence par rapport à Death Stranding 1. C’est pas vraiment un défaut, mais si vous êtes fan du jeu de 2019, c’est quelque chose qu’il faut avoir à l’esprit. De notre côté, on a vu ça comme une suite logique du confort qu’on obtient à la fin de l’opus précédent. En plus, Koijma Productions coupe encore un peu plus le cordon en mettant l’accent sur un autre pan de l’expérience jadis au second plan : la dimension action-infiltration.



Metal Gear Stranding
Ça ne va étonner personne au vu du CV de Kojima, mais ces phases d’action-infiltration sont une réussite. Il y a clairement un savoir-faire sur le level design des bases adverses, des effets de ralenti voire des bruitages qui surgissent quand vous vous faites repérer ou que vous assommez quelqu’un par-derrière. Les sensations de tir sont également très bonnes, et sur ce point, on peut remercier les gâchettes adaptatives de la DualSense. De plus, si ces séquences semblent a priori déconnectées de ce qu’est vraiment Death Stranding, force est de constater qu’elles s’insèrent bien à l’expérience. Déjà, elles apportent une variété bienvenue, mais il y a surtout eu des aménagements pour que ça colle avec tout le reste ! Désormais, dans les raccourcis en bas à gauche de l’écran, il y a une roue d’action entièrement dédiée à votre cargaison. Vous pouvez ainsi facilement poser au sol les items de livraison, tous les objets de votre sac à dos voire votre sac à dos lui-même. Pour rappel, la gestion du poids est super importante dans Death Stranding, et c’est mieux d’être libre de ses mouvements quand on veut foncer dans le tas ou qu’on veut se la jouer Solid Snake (on a d’ailleurs remarqué plein de références à MGS).
L’aventure ne vous imposera d’ailleurs jamais l’une des deux approches. Comme pour les livraisons, vous avez 100% le champ libre. De plus, le jeu offre tout l’attirail nécessaire dans un cas comme dans l’autre, même si on note un goût plus prononcé pour les armes offensives. Il y a aussi eu un effort notable sur le comportement des IA adverses ainsi que sur les combats contre les Échoués. Le bestiaire accueille quelques nouveautés, et les affrontements face aux gros monstres sont en général plus courts et plus intenses que par le passé. Pour finir avec cette partie, on regrette juste une roue des armes pas super pratique. C’est souvent la galère pour changer de pétard en pleine bataille et ça a tendance à “hacher” l’action. Enfin, on est tombé sur quelques ennemis avec des visions bioniques, capables de nous repérer de super loin, et c’était assez frustrant. Le fait qu’on ne puisse pas se mettre à plat ventre n’aide sans doute pas de ce côté-là.


Sur une autre planète
On termine avec l’éléphant au milieu de la pièce, les visuels. Et là, pas besoin de tourner autour du pot : Death Stranding 2 est tout simplement somptueux. Sur le plan technique, il n’y a rien à dire. Sur PS5 Standard, en mode Qualité (30 images par seconde), le jeu est superbement détaillé et profite d’une distance d’affichage impressionnante. Mention spéciale pour les effets météo qui, à défaut de servir le gameplay, sont de toute beauté. Et la capture de mouvement est également à souligner. Que ce soit les expressions du visage ou les animations en général, c’est du très haut niveau. Sur ce dernier point, on a juste noté quelques “sauts” d’animation - comme si on passait instantanément d’une position à l’autre - lorsque Sam s’attaque à un obstacle escarpé. On a aussi aperçu quelques chargements tardifs à l’horizon et rencontré deux-trois bugs, mais pour le reste, la copie est assez irréprochable. Et puis, que dire de la direction artistique ! Sur ce point, c’est sans doute encore plus maîtrisé que dans le premier volet. Death Stranding 2 réserve des plans, des designs et des mises en scène vraiment stylés, et on en a pris plein la vue. Du côté de la bande-son, la collaboration entre Kojima et Woodkid fait des merveilles, et il y a souvent une vraie symbiose entre l’image et le son.
Pour en revenir à la technique, en mode Performance (à 60 images par seconde) sur PS5 Standard, c’est plus contrasté ! L’image est recouverte d’un effet de flou qui gâche le spectacle, et ça se voit d’autant plus quand on regarde l’horizon. Dans cette configuration, on a aussi remarqué quelques scintillements pas très agréables à l'œil. De notre côté, on a passé tout notre temps en mode Qualité. Death Stranding 2 n’est pas un jeu particulièrement dynamique, et même si le 60 FPS peut être utile lors des phases d’action, le gain de qualité en 30 images par seconde l’emporte selon nous. Après, si vous avez une PlayStation 5 Pro, vous aurez le meilleur des deux mondes. On a fait le test, et sur “la console la plus puissante du marché”, en mode Performance, Death Stranding 2 semble afficher à peu près la même résolution qu’en mode Qualité.
Conclusion
Points forts
- Une technique époustouflante
- Une conclusion à la hauteur
- DA, BO et mise en scène de haute volée
- Une boucle de gameplay toujours aussi prenante
- Les phases d’action et d’infiltration, une réussite
- Meilleur rythme et progression plus stimulante
- Des acteurs impeccables (surtout en VO)
Points faibles
- Un manque général de vraies nouveautés
- Des personnages secondaires sous-exploités
- Une histoire trop dépouillée pour être vraiment marquante
- Livraisons plus faciles qui risquent de décevoir les puristes
Note de la rédaction
Comme le premier épisode, Death Stranding 2 est un jeu qui va diviser, mais pas pour les mêmes raisons. Kojima Productions livre ici une suite plus grand public, aussi bien en matière d’écriture que de gameplay, et les puristes risquent de regretter la rugosité du titre de 2019. Mais ce que DS2 perd en “personnalité”, il le gagne en rythme, en variété. La progression est plus généreuse et stimulante que par le passé, et les phases d’action-infiltration accompagnent très bien une boucle de gameplay toujours aussi prenante, à base de livraison et d’optimisation de déplacement. Et puis, que dire de la technique et de la direction artistique, de très haute volée ! En bref, Death Stranding 2 est excellent, mais est-ce un grand jeu ? Il lui manque sans doute une petite étincelle pour ça…