Asura's Wrath : L'échec audacieux d'un jeu vidéo unique de Capcom à la fin de l'ère PS3

Titre original : Il s'est planté comme jamais, mais ce jeu vidéo sorti à la fin de l'ère PS3 était plus original que tous les autres...

Il y a des jeux comme ça, qui sont très prometteurs sur le papier et qui cochent à priori toutes les cases. Mais pour celui dont il est question ici, tout ne s’est pas passé comme prévu…

Capcom n’a pas toujours brillé. Dans les années 2010, les jeux les plus mémorables de l’éditeur sont Marvel vs. Capcom 3 : Fate of Two Worlds, Devil May Cry 4 et Dragon's Dogma, entre autres. À l’inverse, il y a eu des échecs comme Remember Me (que tout le monde semble avoir oublié), Resident Evil 6 ou encore Lost Planet 3. Ce dernier a par ailleurs des défauts communs avec un précédent jeu de l’éditeur : Asura's Wrath.

Une vision conflictuelle

Développé par CyberConnect2 sous la supervision de Capcom, Asura’s Wrath se présente comme un jeu vidéo qui reprend clairement les codes du manga. Ce n’est pas si étonnant, puisqu’à cette époque CyberConnect2 développait déjà la série des Naruto Ultimate Ninja Storm. Sur la base de leur savoir-faire, le studio va concevoir Asura’s Wrath comme un anime, en mettant l’emphase sur l’histoire et la mise en scène, quitte à délaisser le gameplay.

“Dans un premier temps, nous voulions faire un jeu qui ne ressemblerait à aucun autre [...] donc, nous avons choisi de concentrer une très grande partie du jeu sur l’histoire plutôt que sur les combats” - Kazuhiro Tsuchiya (producteur Capcom, interview JeuxActu)

Tous les tests de l’époque vont épingler Asura’s Wrath sur ce point, en mentionnant un gameplay simpliste et redondant, complètement anecdotique par rapport aux nombreuses cinématiques. Concrètement, les séquences de jeu se divisent en trois phrases distinctes : des phases de shoot sur rail en 3D, des affrontements au corps à corps contre des vagues d’ennemis et enfin les combats de boss, ces derniers faisant la part belle à une mise en scène effrénée. Ces trois phases sont répétitives, car elles consistent toutes à effectuer les mêmes actions en boucle. Plus on fait de dégâts, plus on remplit la jauge de furie d’Asura, et ce n’est seulement qu’après qu’on peut déclencher une attaque spéciale qui fait progresser l’histoire.

Il s'est planté comme jamais, mais ce jeu vidéo sorti à la fin de l'ère PS3 était plus original que tous les autres...Il s'est planté comme jamais, mais ce jeu vidéo sorti à la fin de l'ère PS3 était plus original que tous les autres...

En somme, le gameplay n’évolue jamais tout au long du jeu (idem dans les DLC). Certes, on peut être amené à jouer un autre personnage qu’Asura, mais les phases restent tout autant répétitives. Le challenge est complètement absent, même contre les boss - et même en difficulté “Dieu” - ce qui n’est pas en faveur d’un jeu d’action.

Un anime qui nous anime !

Pour rester sur le gameplay, Asura’s Wrath tombe dans un écueil courant dans les jeux d’action de l’époque : les QTE. Ils sont omniprésents dans les cinématiques, pour nous donner “l’impression d’incarner Asura” comme l’a déclaré le président de CyberConnect2 pour JeuxActu. Hiroshi Matsuyama a aussi parlé du découpage de l’histoire en chapitres - ou en épisodes - qui durent chacun une vingtaine de minutes, soit la durée moyenne d’un épisode d’anime.

Et justement, l’histoire nous plonge dans la peau d’Asura. C’est un demi-dieu faisant partie d’une armée devant exterminer des créatures maléfiques, jusqu’à ce qu’il se fasse trahir par ses frères d’armes et jeter en enfer. Il reviendra à la vie des millénaires après pour se venger de ses camarades, qui règnent désormais en tyrans sur la Terre. La narration est au cœur du jeu et Manabu Kurokami, responsable du storyboard, a dessiné chaque scène du jeu à la main. “Avec l’animation, tout devient possible”, a-t-il expliqué chez JeuxActu. En effet, les mouvements des personnages sont impressionnants et la mise en scène, spectaculaire.

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Par ailleurs, “Wrath” peut être traduit littéralement par “colère divine”. Les développeurs voulaient nous faire ressentir cet aspect important du jeu, notamment à travers la musique. C’est assez paradoxal, puisque la compositrice du jeu décrit elle-même la bande-son comme “mélancolique”. Mais c’est cette tristesse qui nous permet de mieux ressentir “l’amour qu’Asura ressent pour sa famille et ses proches”. De fait, chaque fois qu’un des proches d’Asura est en danger, voire meurt, on arrive à pleinement à comprendre la rage du protagoniste.

La déchéance d’Asura

Plus qu’un jeu vidéo, Asura’s Wrath est un anime interactif, comme le décrivent ses créateurs, ainsi que de nombreux tests. Malgré sa proposition originale, le jeu ne va pas trouver son public. Pour un titre qui reprend tout le savoir-faire de CyberConnect2 dans la transposition d’animes au médium du jeu vidéo, les chiffres de ventes au Japon ne sont pas très flatteurs comparé aux Naruto Storm. D’après Famitsu, le jeu n’a écoulé qu’un peu moins de 40 000 exemplaires dans sa deuxième semaine, au Japon. En comparaison, Naruto Shippuden : Ultimate Ninja Storm Generations, sorti le même jour que Asura's Wrath au Japon (23 février 2012) a vendu deux fois plus de jeux à l’issue de cette deuxième semaine. Cette sortie simultanée n’a d’ailleurs sans doute pas joué en faveur d’Asura's Wrath.

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Bien sûr, Naruto est et restera immensément plus populaire qu’Asura, mais Asura’s Wrath s’adressait justement au plus grand nombre : “n’importe qui peut comprendre l’histoire”, comme a déclaré le producteur du jeu, Kazuhiro Tsuchiya, dans une interview pour GameSpot. Mais même le public le plus enclin à apprécier le jeu n’a pas dû aimer voir la vraie fin découpée dans plusieurs DLC payants, alors que le jeu était déjà vendu au prix fort à l’époque (60€ chez nous).

Bref, cet échec commercial et critique est certainement la raison de l'absence d’une suite et même d’un portage ou remaster sur les générations de consoles plus récentes. Cela peut aussi expliquer pourquoi CyberConnect2 a consolidé son expertise en développant presque exclusivement des jeux vidéo adaptés d’animes tels que Demon Slayer : The Hinokami Chronicles, Dragon Ball Z Kakarot, etc.