CD Projekt RED : L'engagement artistique à travers des thèmes controversés dans The Witcher 3 et Cyberpunk 2077

Titre original : "Vous ne faites pas d'art si vous ne faites pas ça", The Witcher 3 et Cyberpunk 2077 ont mis au défi leurs développeurs

L’histoire de CD Projekt a tout d’une success story, et même le lancement de Cyberpunk 2077 n’a pas freiné les ambitions de la structure polonaise. Réputé pour la qualité d’écriture de ses jeux, le studio n’hésite pas à aborder des thèmes lourds ni à se questionner sur ces derniers.

CD Projekt RED : les deux pieds ancrés dans le RPG

CD Projekt est né en Pologne en 1994, cinq ans après que le pays a retrouvé sa pleine indépendance. L'entreprise a vu le jour après que Marcin Iwiński et Michał Kiciński aient importé et vendu de nombreux jeux étrangers sur les marchés locaux. Leur premier coup d'éclat fut la vente et la localisation en polonais de Baldur's Gate, ce qui permit à la jeune entité de nouer de solides liens d'amitié avec BioWare. De nombreuses années plus tard, CD Projekt s'est lancé dans le développement de jeux avec une adaptation de The Witcher, dont les droits ont été acquis pour une bouchée de pain.

BioWare a d'ailleurs prêté son moteur Aurora et fait une petite place au jeu sur son propre stand à l'E3. Le succès fut au rendez-vous, et CD Projekt a enchaîné avec The Witcher 2, The Witcher 3 : Wild Hunt, des jeux dérivés, et Cyberpunk 2077. On ne refera pas l'histoire du lancement de la dernière superproduction de CD Projekt, vous la connaissez sûrement déjà. Toujours est-il qu'actuellement, le studio s'est développé à travers le monde, et que The Witcher IV ainsi que Cyberpunk 2 sont en production.

"Vous ne faites pas d'art si vous ne faites pas ça", The Witcher 3 et Cyberpunk 2077 ont mis au défi leurs développeurs

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Aborder des thèmes forts, une nécessité pour aller au bout de la proposition artistique

Récemment interrogé par Games Radar, Philipp Weber, concepteur principal des quêtes de The Witcher 3 et aujourd'hui directeur narratif de The Witcher 4, a échangé au sujet des thèmes abordés dans les jeux du studio. Si vous avez lancé l'un des titres estampillés CD Projekt, vous savez que ça parle de violence, de corruption, de crime, de violences sexuelles, de racisme, et plus largement, de diverses formes de discrimination.

Des thèmes parfois durs et représentés de façon graphique, à l'image de la quête du Pêcheur dans Cyberpunk 2077 ou celle du Baron Sanglant dans The Witcher 3. Ces quêtes sont bien évidemment écrites pour marquer le joueur, mais Weber insiste sur le fait qu'elles ne sont pas là que pour choquer. Le directeur narratif du prochain jeu explique que si ces quêtes ou événements sont présents dans les jeux, c'est parce que l'équipe a estimé qu'elles servaient l'ensemble et qu'elles participaient à la réalisation de la proposition artistique :

Nous (n'intégrons pas) de choses lourdes pour le plaisir d'être à la limite... Nous intégrons des choses lourdes si nous avons quelque chose de significatif à dire, et si nous osons y aller. Le Baron Sanglant est, pour nous, vraiment une référence. Je dirais que si vous n'avez jamais cette discussion, vous ne faites probablement pas de l'art s'il n'y a jamais de question du type « peut-être devons-nous être courageux, plonger plus profondément ».

"Vous ne faites pas d'art si vous ne faites pas ça", The Witcher 3 et Cyberpunk 2077 ont mis au défi leurs développeurs

Oser et assumer

La direction créative, ainsi que les auteurs et les artistes, sont parfaitement conscients des risques pris lorsque sont intégrés des sujets sensibles. Il y a bien évidemment la crainte d'être mal compris, mais également de provoquer de vives réactions. La quête du Pêcheur dans Cyberpunk 2077, durant laquelle un personnage veut être crucifié en direct, vous donne le choix de refuser ou d'accepter, mais l'écriture de cette quête, dotée d'un aspect hautement religieux, a posé des problèmes de conscience à certains développeurs. Cependant, la décision a été prise de ne pas la mettre de côté, et Weber laisse entendre que l'art passe par le fait d'aller au-delà de ses convictions pour proposer quelque chose d'entier.

Peut-être qu'il y a quelque chose qui pourrait aussi toucher les gens de la mauvaise manière. Sommes-nous prêts à le faire ? Je pense que ce sont des discussions que nous avons encore aujourd'hui, mais je pense qu'il est important de les avoir, parce que sinon vous ne serez jamais en mesure de faire quelque chose comme ça.

"Vous ne faites pas d'art si vous ne faites pas ça", The Witcher 3 et Cyberpunk 2077 ont mis au défi leurs développeurs

Autrement dit, il faut être capable de "mettre au défi" les développeurs et d'oser déplaire, voire choquer, pour avoir une production dont la narration est tangible. Si rien ne dépasse, on prend le risque d'avoir une aventure qui ne marque pas, voire qui ne dit rien. Tous les jeux n'ont pas cette ambition narrative, mais lorsqu'elle est présente, on retient plus les titres qui osent. Dans l'histoire récente, il a, par exemple, beaucoup été reproché à un jeu comme Dragon Age : The Veilguard d'avoir laissé tomber ses sujets forts ou de n'en avoir fait qu'un élément superficiel.

Par ce biais, beaucoup de joueurs ont eu l'impression d'avoir eu droit à une histoire entièrement tournée vers le positivisme "à la Avengers". La question de la moralité dans les jeux narratifs reste très présente, et un studio comme Naughty Dog a fait de la "zone grise" un élément extrêmement important. CD Projekt a donc visiblement l'intention de continuer dans cette voie, et on devrait ainsi retrouver le thème du "moindre mal" dans The Witcher 4. Quant à Cyberpunk 2, on est encore très loin d'une sortie, mais il est peu probable que le caractère moralement décadent du genre soit mis à la trappe.