Le jeu vidéo est une large industrie qui possède ses faits saugrenus et ses mythes bien à lui : le jeu E.T. sorti sur Atari 2600 est une légende à lui tout seul, réapparu comme par magie dans une simple boutique.

Avant toute chose, un petit rappel des faits s'impose : asseyez-vous confortablement, faites-vous couler un café et vous verrez, l'histoire vaut son pesant d'or. Nous sommes en 1982 et cette année-là, Steven Spielberg sort au cinéma "E.T., l'extra-terrestre", qui s'impose immédiatement comme un énorme classique de la science-fiction et même du cinéma tout court. Tout le monde répète "E.T. téléphone maison" avec une voix nasillarde sans même avoir vu le film, les musiques du sacro-saint John Williams sont chantonnées partout dans le monde et le long-métrage remporte moult prix, dont quatre Oscars.
Il paraissait donc logique d'étendre la marque un peu partout et notamment d'en faire un jeu vidéo : le succès du film, pressenti par Spielberg lui-même, amène Universal (qui possède la licence) à proposer l'adaptation à Atari avec une exigence précise : il faut sortir le jeu avant les fêtes de fin d'année et surtout, il faut produire cinq millions de cartouches. Avec un budget de vingt-cinq millions de dollars, c'est l'un des projets les plus massifs de l'époque, sauf que celui-ci est lancé à la hâte : il n'y a aucune étude de marché réalisée, le temps de gestation est extrêmement court - quelques mois seulement - et Universal veut un jeu d'action, ce qui semble difficile à faire compte tenu de ce qu'est le film E.T..
Mission impossile
C'est simple : chez Atari, personne ne souhaite s'attaquer à ce chantier aux enjeux économiques vertigineux. La patate chaude revient finalement à Howard Scott Warshaw, un seul développeur qui avait déjà mené à bien l'adaptation d'Indiana Jones 2 sur Atari 2600 en un temps record. Celui-ci accepte, mais à cause de négociation des droits de licence entre Atari et Universal, il ne commence le développement… que cinq semaines avant la sortie prévue le 2 décembre 1982. Cinq. Semaines. C'est tout.

Et même si Howard Scott Warshaw est effectivement talentueux, qu'il travaille d'arrache-pied et qu'il a réalisé plus de choses qu'une équipe entière aurait pu accomplir, le jeu E.T. ne profite pas d'une finition à la hauteur et devient une expérience assez frustrante pour les joueurs qui l'ont commandé. En d'autres termes : c'est un échec critique, certes, mais c'est surtout un gigantesque gâchis commercial comme l'industrie du jeu vidéo a rarement connu. Sur les 4 millions de cartouches produits (sur les 5 originellement prévues, donc), 1,4 million ont trouvé preneurs. 1,4 million, c'est beaucoup, surtout à l'époque, mais cela laisse des millions de copies dans la nature : les revendeurs ne savent pas quoi faire des boîtes invendues et les retournent alors à Atari.


Trésor damné
De son côté, Atari connaît déjà une actualité maussade et voit sa position dominante décliner doucement. L'affaire prend une tournure inattendue quand un journal américain du Nouveau-Mexique stipule que dix à vingt semi-remorques remplis de cartouches et de consoles Atari ont été déchargés en plein désert, afin d'être enterrées et recouvertes d'une épaisse couche de ciments. Et dans le tas, il y aurait toutes ces versions d'E.T. abandonnées.
Toutefois, il parait difficile de lever le voile sur cette affaire qui devient progressivement une légende urbaine. Howard Scott Warshaw avoue lui-même qu'il n'est pas sûr de la chose en 2004, mais il faut bien avouer que la symbolique est forte, d'autant qu'elle coïncide avec le krach du jeu vidéo de 1983, signant l'année la plus désastreuse d'Atari qui sera revendu l'année d'après par sa maison mère.

Apparition surprise
Il va sans dire qu'une aura toute particulière entoure le jeu vidéo E.T. sur Atari 2600, dont la plupart des stocks ont donc disparu (dans le désert, a priori), et continue d'alimenter discussions et théories sur les forums internet. Sur Reddit, un internaute a partagé en photo sa dernière trouvaille : ledit soft en cartouche, visiblement exposé dans une brocante, pour seulement dix dollars. "Je ne pensais pas en voir un dans la nature un jour", titre-t-il.

Un cliché qui a forcément suscité de nombreuses réactions. "Il suffit de traverser le désert en voiture, il y en a partout", répond notamment un joueur en guise de clin d'oeil. D'autres s'effraient à l'idée de rejouer au jeu, qu'ils estiment être une véritable torture, tandis que certains tiennent à apporter un peu de nuance : "j'y jouais quand j'étais enfant et franchement, je ne trouvais pas ça si mal. Mais j'avais genre 7 ans. On se promenait, on tombait dans des trous, on évitait les scientifiques, on flottait hors des trous, on cherchait des fleurs et des pièces de lecteur vinyle, un truc comme ça. C'était pas pire que ce que la 2600 avait parfois à offrir."