Oyé oyé braves gens, le Doomguy est de retour ! Muni d’un bouclier forgé dans le fer d’Oblivion, le Slayer revient après cinq années d’absence et il a envie de mettre ses bottes ensanglantées partout, et surtout dans les gueules d’anges des démons ! Après une première rencontre excitante en mars dernier, nous avons succombé aux charmes du rejeton d’id Software en passant des jours et des nuits en sa compagnie. Avec ses habits d’Heroic Fantasy qui sentent le cuir et les écailles de dragon, est-ce que ce Doom The Dark Ages tient plus de Game of Thrones que de Xena la guerrière ? Réponse dans notre test.
Nous avons terminé Doom The Dark Ages sur Xbox Series X en une vingtaine d’heures en difficulté normale après avoir exploré la plupart des niveaux à plus de 90 %. Nous avons recommencé une partie en difficulté “Cauchemar” afin de jauger le gameplay en difficulté élevée. Le code du jeu a été fourni par Bethesda. Les captures d'écran viennent de la version Xbox Series X.
The Dark Knight
Les troupes de l’Enfer dirigées par le prince Ahzrak cherchent le Cœur d’Argent, un talisman d’une force inimaginable, alors que les Sentinelles et leur commandant voient d’un mauvais œil les envies de grandeur affichées par ce redoutable adversaire. La puissance céleste envoie alors leur meilleure arme, un guerrier vengeur connu sous le nom de Slayer, afin d’éteindre définitivement la flamme belliciste d’Ahzrak. Cependant, soumis aux volontés des Sentinelles par l’intermédiaire d’un système de contrôle, le Doomguy lutte à la fois contre ses entraves divines et les chimères se dressant devant lui dans une soif de sang que ni l’Enfer ni le Ciel ne peuvent étancher. Entre ces deux camps, le roi Novik regroupe ce qui reste de combattants humains pour repousser les assauts infernaux : il doit protéger le Cœur d’Argent à tout prix.

Oui, il y a bien une histoire dans DOOM : The Dark Ages. Il n’y a rien d’étonnant puisque ça fait depuis le troisième volet que la saga ose véritablement s’aventurer dans les méandres scénaristiques de cet univers où l’Enfer pave l’univers de mauvaises intentions. À l’instar d’Eternal, les cutscenes sont relativement nombreuses, mais ici, elles misent sur l’épique. C’est bien simple, chaque seconde où apparaît le Slayer est pensée pour mettre le guerrier en valeur et faire entrer ses fans en transe. Quoi de plus normal dans un scénario qui fait état d’une guerre des égos entre le tueur de démons et le prince de l’Enfer ? La campagne comporte son lot de méchants vraiment méchants, de gentils totalement gentils et de gentils finalement méchants. De ce côté, nous nous situons entre le blockbuster américain et la série B.

Ce Doom à l’ambiance Donjons & Dragons nous malmène dans un rythme infernal où tout s’enchaîne et se déchaîne… peut-être même trop ! On a de temps à autre l’impression qu’il manque quelques explications entre deux chapitres, obligeant à faire des efforts pour raccrocher les wagons entre eux, ou consulter le codex dans les options. Est-ce grave ? Évidemment que non, car comme chacun le sait, le plus important dans un Doom, ce n’est pas le charisme du bad guy, mais l’action et le gameplay. Et de l’action, le soft d’id Software en a des tonnes à revendre !



La parade d’id Software
The Dark Ages aurait pu n’être qu’une pâle copie de Doom Eternal vêtu d’un simple skin dragon/château médiéval. Après tout, son statut de préquel aurait collé avec un retour aux sources proche de l’esprit sans chichi et des mécaniques moins complexes de l’épisode sorti en 2016. Certes, les fondations sont bien présentes avec des armes à foison pour buter des torrents de monstres, des améliorations à débloquer, des Glory Strikes à exécuter ou encore des items de toute sorte à dénicher, mais ce nouvel opus s’est bâti un gameplay bien à lui. Comme avant, la meilleure défense est l’attaque, puisque détruire ses opposants octroie des points de vie quand tout va mal. Par rapport à Eternal, les phases de plateforme sont largement moins poussées et il n’est plus possible de dasher quand on veut. La charge est désormais une attaque à déclencher après avoir ciblé un opposant. Oubliez le double dash en l’air et les esquives en un claquement de doigts : il va falloir se faufiler entre les coups en se déplaçant, à l’ancienne, quoi !

Ce qui nous emmène à la nouveauté majeure de cet épisode en matière de mécaniques : le Slayer est équipé d’un bouclier-tronçonneuse-boomerang qui, comme le sobriquet que nous lui avons attribué l’indique, protège des attaques, tranche dans le lard et peut être envoyé dans les lignes ennemies avant de revenir écarlate. Lors des affrontements, le brandir au bon moment provoque l’étourdissement de l’adversaire lorsque ce dernier frappe au corps-à-corps, ou active un pouvoir spécial, que l’on pourrait comparer à de la magie élémentaire, quand on contre un projectile. Vers la fin du jeu, les joutes se transforment en joyeux foutoir sanglant où le Slayer envoie la foudre sur ses poursuivants quand les bonnes munitions contre le bon type d’ennemi viennent à manquer. En outre, le bouclier permet de retirer les armures des monstres, d’immobiliser pendant quelques secondes les opposants, d’activer des mécanismes et même de servir de grappin. Terriblement fun à utiliser, on en vient à se demander comment on a pu jouer à Doom sans lui ! Petite ombre au tableau, on a quand même vite fait de charger un démon quand on veut juste reposer le bouclier puis tirer. En difficulté avancée, cela cause quelques ennuis.


Le bouclier change plusieurs aspects au gameplay de Doom. La gestion des timings est plus importante que jamais, et il faut constamment garder un œil sur les adversaires susceptibles d’attaquer afin de réussir une parade et de bénéficier d’un bonus parfois vital. Le challenge, c’est que les créatures démoniaques sont partout, de tout type, disposant de patterns d’attaque différents et sont capables d’envoyer tellement de projectiles que l’on se croirait dans un Bullet Hell Shooter. Ce n’est pas Nier Automata ou Returnal, mais presque ! L’autre point, c’est que la plupart des combos se font à l’aide de cet accessoire alors qu’il peut être inutilisable (pendant un court moment) s’il encaisse trop de coups. Inutile de préciser qu’il ne faut donc pas le brandir à la moindre occasion si l’on veut développer une stratégie efficace lors des combats.

Le revers de la médaille, c’est que ces gigantesques batailles contre des dizaines de démons catapultant des rangées de missiles a vite fait de transformer les bagarres à grande échelle en capharnaüm difficilement lisible. Heureusement, les maps plus ouvertes et la vitesse élevée de déplacement (quand le sprint est activé) autorisent les retraites stratégiques. Les courageux guerriers qui souhaiteront triompher en difficulté cauchemardesque râleront sûrement contre les précieux centièmes gaspillés lors de l’équipement de la deuxième version d’un gun. Les flingues, au nombre de six, se choisissent par l’intermédiaire d’une roue, mais ils proposent cette fois-ci des versions modifiées à switcher faisant monter le compteur à onze. Bien que l’on note des armes assez proches (Shotgun/Super Shotgun, Accélérateur/Cycleur, Concasseur/Revanchard), il y a aussi des transformations apportant des différences notables (Lance-grenades/Lance-roquettes, Déchiqueteur/Embrocheur).

Action grasse pour âges ingrats
Privé de modes multijoueur, Doom The Dark Ages est un trip 100 % solo. Les développeurs d’id Software ont ainsi mis tous leurs efforts dans une campagne plus longue que celle de n’importe quel autre volet sorti auparavant. Nous avons bouclé les 22 niveaux du périple – en poussant l’exploration – en une vingtaine d’heures ! Ce qui est colossal pour un Doom.



Le soft est généreux dans presque tout ce qu’il propose. Les niveaux ? Vous verrez des forêts hantées et des royaumes ensoleillés en passant par des contrées infernales, voire abyssales. Les types d’adversaires ? On en compte une bonne quinzaine disposant de comportements bien différents. Les règles ? Elles sont multiples avec les capitaines à détruire qui donnent accès à des améliorations définitives ou à des monstres communs à détruire avant de se lancer à l’assaut d’un boss. Les zones de jeu ? Elles sont souvent immenses et sont plus ouvertes qu’avant, laissant le joueur choisir la mission qu’il veut faire en premier. Les défis ? Là encore, au sein même des missions qui ont leurs propres objectifs, il y a des quêtes annexes à faire, telles que trouver x secrets ou encore contrer x nombre de fois l’attaque d’une créature donnée. Les réussir donne accès à un bonus d’or, or qui sert de monnaie d’échange à l’upgrade de son bouclier, de ses flingues, de ses pouvoirs magiques et de ses armes de corps-à-corps. Oui, la boucle de gameplay est au moins aussi solide que celle du ceinturon du Doomguy et si vous jouez en difficulté pimentée, elle saura vous laisser des traces.

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Combien de fois, dans les précédents Doom, avons-nous été dérangés par des obstacles cloisonnés entre les quatre murs d’un complexe scientifique ? Dark Ages ouvre son cœur, et son monde par la même occasion. En ce qui concerne les zones ouvertes, id Software a fait un sacré boulot en réussissant à construire des niveaux intéressants à explorer et amusants à parcourir, ni trop grands ni trop petits. Il n’y a pas un m² de remplissage, chaque élément a son importance dans le flow général ou l’accès à un secret. Mieux : la solution à un puzzle est forcément à quelques mètres de là où se trouve le Slayer. Alors oui, on retrouve à peu près les mêmes éléments d’un chapitre à l’autre et on aurait aimé que l’ordre des objectifs à accomplir ait un impact sur la progression. Certes, le quest design n’est pas des plus originaux : détruire des tourelles, tuer des chefs ennemis, trouver des objets ou des clés… bref, tout ce que le Doomguy a l’habitude de faire depuis plus de 30 ans, n’est-ce pas ? Et c’est aussi pour cela que les joueurs aiment la série : tout se règle dans des bains de sang et dans l'éviscération, sauf à de rares moments où il faut faire fonctionner sa matière grise plutôt que de faire couler celle des ennemis. id Software a en tout cas fait un travail incroyable pour imaginer des terrains beaucoup plus grands sans que l’intensité ne soit diluée.


Cœur de dragon
Cette envie de retrouver l’action immédiate des premiers épisodes se retrouve à chaque strate du gameplay. La carte ne nécessite plus d’upgrades pour afficher tous les objets cachés, tandis qu'il n'est plus nécessaire de placer des cristaux afin de rendre les mouvements du Slayer plus rapides. De manière générale, il y a moins de personnalisation possible dans l'arbre de compétences par rapport à ce qu’il y avait dans Eternal. L’ajout notable repose en fait sur des runes de bouclier donnant accès à des pouvoirs magiques lorsqu’un projectile est contré. Ces pouvoirs se comptent au nombre de quatre et vont du séisme aux épées d’énergies qui traquent les ennemis. À la fin de l’épopée, les combats ressemblent à des matchs à mort entre élémentalistes, nous avec les pouvoirs des runes et eux avec le feu de l'Enfer. Soyons clairs : rien ne nous encourage à essayer d’autres builds tant ces magies sont destructrices une fois le niveau max atteint. Les joueurs qui adorent passer du temps à optimiser leur Slayer verront cette simplification comme un retour en arrière.


Toujours dans cette optique d’aller plus loin dans l’action et dans les sensations sans complexifier le gameplay, les gars d’id Software sont allés jusqu’à ajouter des séquences à bord d’un Mecha et sur le dos d’un dragon ! Comme nous le supposions durant notre preview, ces dernières sont finalement assez anecdotiques, en plus d’être rares, et les mécaniques qui y sont liées sont simplistes. Est-ce un problème ? S’il est normal de se dire que le potentiel de ces scènes n’est pas exploité comme il aurait pu être, il faut admettre que leur design s’intègre parfaitement dans les choix opérés par Bethesda afin d’offrir un condensé d’action “over the top” pensé pour divertir jusqu’à épuisement. Atlan le robot et Serrat le dragon ne sont rien de plus que des bonus sympathiques entre deux actes fournissant leur dose de destruction et de vitesse aux joueurs en manque de sensations fortes.

Il est là, tout l'attrait de Doom The Dark Ages. Quand on se dit, les yeux révulsés, après une longue séquence d'action totalement folle, que le jeu ne pourra pas monter en puissance, les développeurs font intervenir un élément encore plus dingue. On se balade à bord d'un robot géant à écraser des tanks avec nos pieds et à donner des mandales à des démons faisant la taille d'immeubles ? Alors un flingue plus gros qu’un Vagary tombe du ciel tandis que les créatures infernales s'équipent d'armures métalliques. Le plus amusant dans tout ça ? C’est que, contrairement à quasiment tous ses concurrents, Doom encourage à ne jamais lâcher la gâchette quand on tire avec une sulfateuse : la surchauffe provoque des dégâts supplémentaires au lieu de rendre le gun inutilisable ! Ce détail montre à lui seul comment est articulé le design de The Dark Ages qui s'autorise à prendre le contrepied des productions actuelles.

En plus du Mecha et du dragon, la map 3D est un allié de poids. Aisément compréhensible avec les zones visitées qui se colorent, elle affiche les dénivelés menant à tous les objets cachés. Vous l’aurez donc compris, elle s’ouvre aussi souvent que les crânes des Mancubus. Avec ses innombrables éléments à dénicher débloquant des skins ingame, entre autres joyeusetés, The Dark Ages veut que le joueur en ait pour son argent.

Quand c’est fou, c’est qu’il y a un loup-garou
On connaît le talent d’id Software pour faire de jolis jeux et The Dark Ages ne déroge pas à la règle. Les animations sont impeccables, les effets spéciaux sont impressionnants, les décors fourmillent de choses à contempler et à détruire. Quasiment tout ce que l’on voit à l’écran dispose d’un moteur physique et quand le Slayer chute d’une hauteur, l’onde de choc qu’il provoque quand il atterrit agite tout ce qui a autour de lui. Il arrive couramment d’assister à des batailles rangées de toute beauté se déroulant dans le ciel, juste au-dessus de notre casque. En un mot comme en cent : c’est fou.


L’idTech fait des merveilles pour afficher des gigantesques univers bourré d’affreux qui partent en morceaux sous les coups. Malheureusement, et comme nous le craignions, les versions consoles ont dû abandonner de la netteté en chemin pour que tout tourne en 60fps sans broncher. Sur Xbox Series X, l’impression de flou est regrettable et il y a des textures qu’il ne vaut mieux pas voir de trop près au risque d’être déçu. Nous avons passé plusieurs minutes dans les options afin de trouver les réglages améliorant le confort visuel, mais nous n’avons pas réussi à faire de miracle en Enfer. Ceci étant dit, le jeu reste fluide peu importe les circonstances et c’est bien ça l’essentiel. La direction artistique est de haut vol et il y a quelques chapitres qui ont de quoi décrocher la mâchoire. La vôtre en plus de celles des créatures, bien entendu.

Et les oreilles, dans tout ça ? The Dark Ages mise plus sur son sound design que sur ses mélodies. Cela ne veut pas dire que les thèmes sont ratés, bien au contraire, Finishing Move a su insuffler un côté plus épique assez proche des travaux de Ramin Djawadi, le compositeur principal des musiques de Game of Thrones et de Gears 5. Elles sonnent comme les productions de Mike Gordon avec ce Metal électronique bourré de filtres et d’effets, tout en explorant d’autres voies. Ce qui est bien géré, c’est la manière dont les boucles des morceaux sont gérées en fonction des situations. Encore plus qu’auparavant, on a l’impression que la musique s’adapte à chacun de nos faits et gestes avec des introductions, des ponts et des conclusions gérées comme si tout était scripté alors que l’on évolue pourtant dans de grandes zones.



Pour ne rien gâcher, le Dolby Atmos assure une bonne spatialisation et il y a une VF avec des voix françaises de qualité. Les sons, à l’image du jeu en lui-même, mélangent hommages aux années 1990 et productions dignes des années 2020. Il est d’ailleurs possible de mettre le petit picto du Slayer saveur 1993 en bas de l’écran, comme dans le tout premier Doom ! Ce côté “jeu vidéo des années 1990 avec la technologie de 2025” se constate jusque dans les focus cams – pas esthétiques pour un sou mais utiles à la compréhension – lorsqu’une porte s’ouvre suite à l’activation d’un mécanisme. Un mélange entre tradition et modernité, disions-nous.

Conclusion
Points forts
- De l’action sans chute de framerate et du shoot à n’en plus finir !
- Le bouclier est super fun à utiliser
- Un côté “over the top” délicieux
- Une campagne longue et rythmée dans de grands niveaux variés, bourrés de secrets et de défis
- Direction artistique souvent hallucinante
- Habile mélange entre hommages et innovations
- Sound design béton et VF réussie
Points faibles
- Des redites dans le level design d’un chapitre à l’autre (puzzles, plateformes, etc.)
- Les séquences en Mecha et à dos de dragon manquent de profondeur
- Une simplification de l’arbre de compétences qui pourrait décevoir les adeptes de RPG-isation
- Sur consoles, le rendu graphique manque parfois de netteté
- Certains joueurs regretteront peut-être l’absence d’un mode multijoueur
Note de la rédaction
Le menu taille XXL concocté par id Software est fait pour les gourmands d’action voulant toujours plus de ketchup. Entre deux tranches de rigolade à bord d’un robot géant ou sur le dos d’un dragon féroce, The Dark Ages profite de ses zones gigantesques pour laisser le guerrier décider à quelle sauce smoky BBQ il va être mangé. Les mondes plus ouverts permettent des affrontements hors-normes jamais vus dans un Doom, mais à l’instar des phases en Mecha ou en dragon, tout est fait pour provoquer des sensations fortes immédiates au risque de manquer un chouilla de profondeur. En tout cas, la production de Bethesda ne rabâche pas les mêmes formules, aussi magiques soient-elles : elle s’appuie sur un savoir-faire ancestral pour mieux s’aventurer vers des plans astraux démoniaques.