« La moitié du jeu » : voilà ce que l’on a pu essayer de l’exclusivité PlayStation 5 qui va fracasser le mois de Juin 2025, le très attendu Death Stranding 2. Kojima Productions nous a ouvert ses portes pour une longue preview, d’une durée exceptionnelle : 30 heures. Après celle-ci, il faut se rendre à l’évidence : ce nouvel épisode va créer beaucoup d’engouement, mais aussi un petit peu de frustration. Dans tous les cas, on tient là « le Tears of the Kingdom de Death Stranding » : une version certes raffinée et plus étoffée, mais aussi bien plus ouverte aux nouveaux publics… et donc moins radicale sur ses partis pris. Mais est-ce vraiment un mal ? On décrypte tout ça sans spoiler dans notre première Preview MASSIVE de Death Stranding 2.
Kojima Productions nous a convié dans ses bureaux tokyoites pour essayer durant 4 jours complets l’une des dernières versions en date de Death Stranding 2. Nous étions sur des PlayStation 5 debug, sans moyen de capturer quoi que ce soit car c’est le studio qui fournit les visuels et les tronçons de gameplay pour les montages de la presse. Notez que l’on nous a demandé de ne pas dévoiler les morceaux spécifiques des musiques entendues dans le jeu, ni d’évoquer les noms des différents PNJ holographiques que l’on doit aider durant l’aventure, afin de ne pas interférer avec les annonces futures faites par le studio à ces sujets.
Une intro d’une efficacité magistrale

Il est rare que je verse une larme, de joie ou de tristesse, sur l’intro d’un jeu. En fait, ce n’est arrivé que deux fois. La première concernait The Last of Us, il y a 12 ans, pour des raisons évidentes. La seconde fois date de ce mois-ci, sur Death Stranding 2, pour des raisons légèrement différentes… La séquence d’intro est d’ailleurs en partie visible durant les trailers du jeu, nous sommes sur les hauteurs du Mexique, tandis que Sam et Lou, désormais bambin de quelques mois, se mettent en route pour rejoindre leur tanière. Les deux ont fui l’Amérique d’autrefois, rebaptisée l’UCA, et vivent cachés désormais… Vous vous en doutez, ça ne va pas durer. Sur cette intro, c’est la musique d’un artiste français extrêmement talentueux qui sert de toile de fond, accompagnant calmement une série de panoramas photoréalistes, de l’exacte même manière que Low Roar et son morceau Don’t Be So Serious accompagnent si bien l’intro du premier jeu. On y voit de superbes paysages, affirmant à nouveau la maîtrise totale du moteur graphique Decima : les décors naturels, la météo dynamique, et le ciel jonché de nuages y sont tous saisissants.

Puis, tandis que la musique s’emballe un peu plus, et embraye sur la performance vocale hors norme de l’artiste, la caméra se rapproche de notre avatar, Sam, contemplant le décor qui s’offre à nous avec une distance d’affichage hallucinante. La caméra tourne autour de son visage, et l’on voit alors la petite main de Lou, qui lui caresse affectueusement le menton. Autant vous dire que si vous avez vécu les dernières heures de Death Stranding, cette vision, et la perspective de continuer l’aventure de notre duo, est impitoyable pour les nerfs. Mais ne laissons pas les émotions nous submerger, car la caméra s’éloigne tout juste assez pour nous donner les commandes… Sans transition, de cette cutscene visuellement bluffante jusqu’au gameplay, nous prenons le contrôle de notre famille recomposée. Notre objectif s’affiche au loin, à plusieurs centaines de mètres en contrebas, et nous devons nous y rendre, tout en musique. Un doigt sur chaque gâchette nous permet d’assurer notre équilibre, retranscrit par des pressions et des vibrations dans les L2 et R2 de la DualSense.

Sur notre chemin, on peut observer différents phénomènes nouveaux : glissements de terrain, tremblements de terre, autant d’aléas qui viendront modifier l’environnement de jeu, et qui ne sont rendus possibles que par le bond technologique dans l’écurie PlayStation. On passe ici de la PS4 à la PS5 et ça se voit totalement. Textures, distances de rendu, fréquence d’image en 30FPS ou 60FPS, ajustable à la volée : Death Stranding 2 est un plaisir pour les yeux à chaque instant. Et son monde est donc un terrain en constante évolution : les pluies diluviennes qui font monter les eaux, détruisant les infrastructures. Les incendies qui terrassent la flore, les tempêtes que l’on voit poindre au loin, et arrivent à notre niveau en quelques minutes… Tout ça renforce énormément l’ambiance apocalyptique de la licence et donne un peu plus de vie à des terrains dépeuplés, à cause du Death Stranding et de tout ce qui en découle.

Pour rappel, le monde du jeu a été touché par un phénomène inexpliqué, qui perturbe le cycle de la vie et fait déborder le monde des morts dans celui des vivants. Je schématise très grossièrement mais ce qu’il faut comprendre c’est que les rares rescapés, sur Terre, se réfugient dans des abris, tandis que quelques courageux porteurs, comme notre héros, arpentent les zones pour livrer toute sorte de chose en prenant soin d’esquiver les âmes en peine et les gangs de bandits. Le monde de Death Stranding est donc par définition assez vide. Il est avant tout minéral, végétal, et statique : une “magnifique désolation” qui ici, est plus que jamais en mouvement grâce à ces artifices climatiques.

On en prend donc plein les yeux, mais aussi plein les oreilles. Dans notre intro, sur les hauteurs mexicaines, la maîtrise musicale est totale. Malgré l’ouverture relative du niveau qui nous propose d’aller à destination par n’importe quel chemin, le jeu nous guide vers l’objectif de manière extrêmement maligne. Si vous vous en détournez trop, la musique perdra différentes strates d’instruments… Si vous êtes sur le bon chemin, d’autres strates s’ajouteront… Dès cette première scène, Kojima nous l’assure : il maîtrise encore mieux son matériau de base, le contemplatif des décors, l’envoutante OST, et le sens du voyage induit par un gameplay unique. Et pendant qu’on se fait cette réflexion, le jeu nous propose de passer en vue aérienne optant alors pour un plan rotatif éloigné, comme si le spectacle n’était pas suffisant. Après quelques gamelles et glissades mal gérées, nous voilà enfin arrivés, le vrai jeu… peut enfin commencer…
« Jouer à Death Stranding 2 sans avoir fait le 1, c’est possible ? »

Avant de parler de ce qu’apporte concrètement la boucle de gameplay du jeu par rapport à celle de son aîné, il convient de répondre à une question que se posent pas mal de joueurs, surtout depuis le dernier trailer en date. « Faut-il avoir fini Death Stranding pour commencer sa suite ? ». La réponse est donc… « non ». Vous n’êtes pas “obligé” mais le second lui succède directement. Autant dire que l’attachement aux personnages et surtout au duo emblématique du premier jeu, Sam et BB Lou, sera différent si vous n’avez pas traversé toute l’Amérique en leur compagnie sur le premier jeu… Pour vous convaincre, on vous recommande de lire notre test de l’époque, garanti sans spoiler, histoire que vous puissiez saisir à quel point la proposition initiale était surprenante et étonnamment prenante. De par son univers, sa boucle de gameplay très particulière et ses thématiques cryptiques, Death Stranding était en 2019 une sorte d’aimant. Certains y sont attirés et adhèrent totalement, quand d’autres en seront inévitablement repoussés, à cause de son parti-pris radical. Cette population réfractaire, Kojima Productions semble vouloir désormais la séduire en gommant certaines frustrations du premier jeu, mais nous verrons ça en détails un peu plus loin.

Notez en tout cas que si vous souhaitez faire l’impasse sur le premier jeu, vous pourrez lancer un récapitulatif scénaristique, accessible dès le menu principal. Cette fonctionnalité se veut courte à parcourir, facile à comprendre, et résume plutôt bien les enjeux de ce monde. Enfin, il faut savoir que toute la première partie du jeu (soit à peu près 4 à 5 heures) est conçue pour former aux bases du gameplay. Un passage obligatoire qui permettra aux novices d’enchainer les découvertes, tandis que les initiés pourront se remettre dans le bain avant d’aborder les vraies nouveautés… et elles concernent surtout ce qu’on appelle la boucle de gameplay…
“Attendez mais j’ai déjà joué à ce jeu… c’est Metal Stranding Solid 5 !”

Pour ce nouvel opus, Kojima semble avoir monté les potards au max, mais il a aussi greffé à son jeu de l’ADN d’une autre saga… Une qui lui est particulièrement chère : Metal Gear Solid. On ne refera pas l’historique du divorce d’avec Konami, ce qui a entrainé l’abandon de la licence par son géniteur, donnant alors vie à Death Stranding, mais l’on devine pas mal de ressentiments dans ce second épisode. Définitivement, perdre cette franchise est vécu malgré les années comme une douleur fantôme dans la carrière de Kojima… Et il nous le fait savoir très régulièrement dans cette suite, aussi bien au niveau des références, multiples, que du gameplay. Car si Death Stranding par souci d’économie misait sur la fuite et l’esquive des zones de tension, cette suite vous propose bien plus d’approches. Ici, le jeu du chat et de la souris est toujours de mise, mais vous pouvez désormais y greffer de l’infiltration furtive, avec moult gadgets et accessoires. Et forcément, vous pouvez aussi vous la jouer totalement action si le cœur vous en dit. Des thèmes jusqu’au gameplay, Death Stranding 2 semble avoir fusionné l’ADN de sa saga avec celui de Metal Gear Solid V. Et c’est clairement pas pour nous déplaire. Rappelons qu’MGS5 trône encore fièrement dans la catégorie des meilleurs jeux d’infiltration jamais conçus…

Rassurez-vous, hors combat, il y a aussi du neuf ! Et si, en apparence, on reste sur le même concept : prendre des livraisons à mener à bien en respectant au maximum les conditions, en réalité, sur le terrain, on a tout de même quelques changements. On pourra plus souvent compter sur des véhicules disponibles, par exemple. Les vôtres, mais aussi ceux des ennemis, ou ceux d’autres porteurs : au bout d’une dizaine d’heures, on ne se retrouvera que rarement obligé d’effectuer une livraison à pied, de bout en bout. Attention toutefois, vous pouvez vous la jouer roleplay à fond et y aller constamment en mode randonnée. Aucun souci avec cette vision-là, mais quand l’option véhicule se présente à vous… difficile de résister… Gardons en tête qu’en cas de panne, les générateurs se construisent assez vite et il ne sera d’ailleurs pas rare de tomber sur des installations de ce type, créées par les PNJ ou par d’autres joueurs.

Cette impression de pouvoir “tracer” dans l’aventure se fera encore plus ressentir après avoir récupéré la base mobile DHV Magellan, un hub pour le groupe de personnages. Ce véhicule gigantesque a la faculté de pouvoir se téléporter, permettant au joueur d’avoir une sorte de Voyage Rapide, sans cargaison à bord, évidemment. Le souci d’un tel ajout, c’est qu’il va à l'encontre de la philosophie du premier jeu, qui proposait de reconstruire l’Amérique en enrichissant chaque zone de créations communautaires, histoire de mieux arpenter la map. Échelles, cordes, puis tronçons d’autoroute, tyroliennes et structures diverses… Autant d’éléments qui permettaient de parcourir facilement les zones tous ensemble sur le multi asynchrone et qui ici, maintenant que le Magellan peut nous téléporter n’importe où, fait un peu moins sens… Encore une fois, libre à vous d’utiliser ces éléments facilitateurs… Mais comme je le sous-entendais plus haut : la frustration a été légèrement “enrayée” sur ce second jeu, en tout cas sur sa première moitié. Comme d’habitude avec Kojima, on est jamais à l’abri d’une surprise.
Plus fun et plus varié !

Autre nouveauté étonnante, l’ajout d’un lecteur MP3 pour réécouter les morceaux du jeu et même se créer des playlist. Le lecteur se dévérouille après certaines missions, tandis que les musiques s’obtiennent au compte goutte. “Une hérésie”, avais-je d’abord pensé lors de l’annonce ! Le silence du premier jeu installait un poids que les rares musiques savaient briser, rendant l’instant unique… Mais finalement, une fois manette en main, j’ai totalement adhéré au concept, puisqu’il cache une petite astuce : le lecteur MP3 ne fonctionne QUE en zone sûre… Si vous sortez un doigt de pied de la zone de couverture du “réseau chiral”, la musique s’estompe et le sound design reprend le dessus… Forcément, une grande partie de l’aventure se situe en hors piste, tandis que l’on explore une parcelle sauvage que l’on va devoir reconnecter au réseau chiral. L’équilibre est bien géré, et parcourir les zones safe en écoutant la très qualitative bande originale n’a fait que renforcer notre attachement à son égard.

Du côté des nouveautés sur le pan routier, on remarque l’arrivée du très utile Off-Roader, un 4X4 surpuissant, plus lent que les motos mais terriblement plus efficace. Doté d’un stockage gigantesque, il est en plus améliorable. Batteries supplémentaires, mitrailleuses automatique, harpon qui récupère les colis environnants : c’est un incontournable. Encore une fois, Kojima donne plus de clés au joueur et plus de variété : à vous de faire votre tambouille pour trouver l’expérience qui vous sied le plus. Outre les modes de difficulté et la possibilité d’esquiver les combats de boss (ce que je n’ai pas testé), on sent bien que l’aspect relativement “hardcore” de l’expérience initiale a été quelque peu lissée. Par exemple, j’ai entrepris, pour m’amuser, d’escalader l’un des plus hauts pics de la zone, sans aucun matériel… Et c’est passé ! En une vingtaine de minutes, j’étais au-dessus des nuages à apprécier la vue. Je me suis alors rappelé de tout l’épisode dans la montagne, dans Death Stranding premier du nom, une zone extrêmement difficile et qui a traumatisé chaque joueur. Comme quoi faire du hors piste semble ici bien plus facile qu’avant, et vous demandera probablement moins de préparation ou d’équipement. A titre d’exemple, je ne suis mort que deux fois sur 30 heures de jeu, en difficulté “normal”, alors que cela m’était arrivé une bonne dizaine de fois sur le premier jeu. Vous aurez très souvent les bons objets aux bons moments, les munitions qu’il faut lorsque vous êtes à court, bref : le jeu n’a aucunement envie de vous frustrer, et se veut bien moins “radical” que son grand frère lorsqu’il est question d’échouer ou de se sentir totalement seul…

Enfin, un petit mot pour les “preppers”, ces personnages qui vous fournissent des quêtes secondaires, parfois un peu étranges. On a pris plaisir à revenir les voir pour compléter leurs quêtes et obtenir des tas d’objets et compétences liés à leur condition. Certains auront même leur petit arc narratif avec cutscenes dédiées et items loufoques… Comme d’habitude avec Kojima, on oscille toujours entre le très sérieux et l’absurde assumé à 2000%. Il reste tant à dire sur Death Stranding 2 : nous avons sciemment gardé beaucoup d’éléments secrets, qu’il s’agisse de l’histoire, des lieux, de la Grève, très discrète, alors qu’elle donne son sous-titre au jeu, de la customisation, de la montée en puissance de notre perso, et même du fameux “Neil”, aperçu bandana au front dans le dernier trailer… Mais nous choisissons de nous arrêter là, à l’entrée, pour garder un peu de place pour le test...
Vous comprenez maintenant pourquoi j’aime comparer cette suite à "Zelda : Tears of the Kingdom". Comme lui, Death Stranding 2 vise à améliorer chaque aspect de son aîné, il en étend les possibilités, le rend plus riche, plus dense, plus narratif, moins cryptique et plus abordable… Mais il fait cela en gommant au passage certains des traits qui avaient rendu le premier jeu si unique. Une expérience extrêmement abrupte, marginale. Death Stranding 2 souffre des mêmes améliorations que Zelda ToTK. Assurément, c’est un jeu qui plaira à un public bien plus vaste que le premier épisode, notamment ceux qui découvriront la licence avec cette suite et souhaitent y voir un jeu complet. Quant aux puristes, je pense que le sentiment d’avoir perdu quelques features que l’on jugeait essentielles à l’expérience, et qui tendait parfois au masochisme, sera vite remplacé par le plaisir qu’apporte cette nouvelle boucle de gameplay. La jouabilité est plus variée et intègre désormais l’action-infiltration au cœur de son ADN. Un hommage perpétuel à la saga Metal Gear Solid, saga de cœur et douleur fantôme d’Hideo Kojima, à laquelle Death Stranding semble vouloir, plus que jamais, se greffer. Une chose est certaine, on a qu’une hâte, c’est de continuer notre partie… Rendez-vous le 26 juin pour la sortie, et quelques jours avant pour notre test.