Malgré des résultats records, l’industrie du jeu vidéo est en pleine restructuration depuis la fin des restrictions liées au Covid. On estime a plus de 25 000 le nombre de personnes ayant été priée d’aller trouver du travail ailleurs, et EA vient à nouveau de trancher dans le vif.

L'industrie du jeu vidéo rétrécit

"Too big to fail" (trop gros pour échouer), comme on dit. Après des années de croissance délirante, des milliers de jeux publiés par an et des revenus qui s'envolent, l'industrie du jeu vidéo a pris un mur tout en continuant à générer des revenus records. Pour le comprendre et sans rentrer dans une explication qui a tout pour faire un excellent bouquin, il faut remonter quelques années en arrière. Jusqu'en 2019, l'industrie du jeu vidéo a connu une croissance impressionnante. Les studios se sont multipliés, le nombre de jeux sortis également et, par conséquent, le nombre de personnes employées dans le secteur.

Seulement voilà, dès le début de la période 2015-2020, on a assisté à un début de concentration. Les gros éditeurs ont racheté de nombreux studios, et des structures de financements ont spécialement été créées pour donner vie à des holdings détenant des éditeurs et des dizaines (voir des centaines) de studios. Des licenciements avaient déjà lieu, mais rien qui sorte des habitudes du marché. Puis est venu le COVID. Certains ont énormément souffert de la situation, mais l'industrie ne s'est jamais aussi bien portée.

Les ventes explosent et les investissements pleuvent. Des fonds d'investissement ont donc placé leurs billes, espérant en tirer profit. Sauf qu'à la concentration en cours s'est ajoutée la réalité : le COVID a généré une bulle, et les attentes délirantes des investisseurs ne pouvaient pas être satisfaites. Depuis 2023, on compte plus de 24 000 licenciements, qui sont venus s'ajouter à ceux de 2022 et 2023, soit environ 19 000 de plus (Achievement Industry). De nombreux éditeurs ont disparu, des studios ont fermé leurs portes par milliers, bref, l'industrie a rétréci d'un point de vue humain, pas financier.

Licenciée juste après la sortie du personnage qu'elle a écrit

La semaine dernière encore, Electronic Arts (EA Sports FC, Apex Legends, Dragon Age, Star Wars Jedi...) aurait licencié 300 à 400 personnes, dont une centaine du côté de chez Respawn Entertainment. Le studio, connu pour avoir donné naissance à Titanfall, Apex Legends et plus récemment les jeux Star Wars Jedi, a donc été particulièrement touché.

Parmi les nombreux développeurs qui se sont retrouvés en difficulté dans un secteur où cette situation est devenue habituelle, l'un d'entre eux a particulièrement retenu l'attention. Heather Woodward, conceptrice narrative chez Respawn, a été licenciée le lendemain du lancement du personnage qu'elle avait passé une année entière à écrire. Le 28 avril, Apex Legends a en effet intégré à sa galerie de personnages un petit nouveau du nom de Sparrow :

Mon premier né est enfin là. Cela fait plus d'un an que je travaille sur cet adorable "ragazzo". L'écriture d'une bande-annonce de type clip vidéo a été un défi difficile mais gratifiant et je n'arrive pas à croire que je vais pouvoir voir mon travail animé par l'incroyable équipe de Sun Creature, a-t-elle déclaré sur BlueSky.

Le lendemain, elle apprenait qu'elle était licenciée. Elle n'a cependant pas perdu la face, préférant se dire que ce genre de choses arrivent et qu'elle a adoré travailler au sein du studio et sur le personnage de Sparrow en particulier :

Je viens de subir une réduction massive des effectifs chez Respawn. Ce sont des choses qui arrivent et le temps que j'ai passé chez Apex a été une véritable joie. C'est le travail que j'ai le plus aimé de ma vie. Ça a été une vraie joie d'écrire Sparrow, et je vais continuer à être insupportable à son sujet pendant des semaines.

D'après PC Gamer, le caractère cynique de la situation a été renforcé par le fait qu'elle aurait reçu un mail faisant la promotion du personnage juste avant que son adresse ne soit désactivée et qu'elle doive quitter les locaux de Respawn. En tout cas, ses posts suivants laissent entrevoir un moral au beau fixe et on lui souhaite, comme à tous les autres développeurs laissés sur le bord de la route, de vite pouvoir retomber sur ses pieds.