Il y a des histoires qui semblent tout droit sorties d’un film d’aventure. Celle du Duke of Lancaster en fait partie. Ce majestueux paquebot, autrefois fleuron des croisières européennes dans les années 1950, a fini ses jours à l’abandon… mais pas sans laisser derrière lui un vestige précieux.
Quand un navire fantôme devient une capsule temporelle du jeu vidéo
Caché dans ses entrailles rouillées, un trésor inespéré attendait d’être redécouvert : cinquante bornes d’arcade, figées dans le temps comme des témoins silencieux d’une époque révolue.
Ce n’est qu’en 2009 que ce secret a refait surface, grâce à des explorateurs urbains membres du site 28dayslater, qui ont immortalisé leur trouvaille via une série de clichés aussi fascinants que nostalgiques. Le Duke, construit à Belfast, a navigué de 1956 à 1979 avant d’être reconverti en ferry, puis en parc d’attractions flottant baptisé « The Fun Ship ». Ce changement d’orientation a transformé le navire en véritable temple du divertissement, avec ses machines de jeux électroniques prêtes à défier les marins de passage… jusqu’à sa fermeture abrupte au public en 1983, en raison de contraintes logistiques insolubles.
Une opération de sauvetage digne d’un scénario de film
Il faudra attendre près de trente ans pour que la lumière soit de nouveau faite sur ce patrimoine vidéoludique. L’un de ceux que cette découverte n’a pas laissés indifférent est Oliver Moazzezi, un passionné actif du forum UKVAC. Bouleversé par les images diffusées, il se lance dans une odyssée de plusieurs mois afin de retrouver les détenteurs légaux du navire et négocier le sort de ces bornes mythiques.
Son périple touche son but en février 2011. Accompagné de deux complices tout aussi mordus que lui, il foule enfin les planches décrépites du navire. Mais alors que tout semblait réglé, une infiltration d’eau dans la coque vient compromettre la mission. L’ultimatum est sans appel : dix jours pour extraire toutes les bornes. S’engage alors une course contre la montre où passion et sueur s’entremêlent.
Les machines ne reverront la lumière du jour qu’à la fin de l’année 2012, après des mois d’efforts logistiques. Ce sauvetage, immortalisé par des photographies et une vidéo, résonne comme un acte de résistance face à l’oubli et à la corrosion du temps.

Une mémoire sauvegardée, un patrimoine honoré
Ces bornes, loin d’être de simples objets électroniques, incarnent un pan entier de l’histoire du jeu vidéo. Pour les collectionneurs comme pour les nostalgiques, elles rappellent une époque où les pixels étaient rois et les salles d’arcade des lieux de communion. Le sauvetage du Duke of Lancaster pose également la question, plus large, de la conservation du patrimoine numérique et culturel.
Aujourd’hui, ces reliques retrouvent une nouvelle vie entre les mains de passionnés qui ne voient en elles ni un caprice de collectionneur, ni un simple objet d’exposition. Elles sont les témoins d’une époque où le jeu était encore une aventure collective, un rêve que même la rouille n’aura pas réussi à éteindre.