Jurassic Park vs Blockbusters Modernes : L'Évolution des Effets Spéciaux et le Déclin de la CGI

Titre original : 30 ans d'avancée technologique et pourtant, Jurassic Park a de meilleurs effets spéciaux que de nombreux blockbusters actuels. Voici pourquoi !

Entre les dinosaures de Jurassic Park (1993) ou encore le célèbre capitaine Davy Jones dans Pirates des Caraïbes (2006), la CGI s’est affirmée comme un outil révolutionnaire au cinéma. Mais, deux à trois décennies plus tard, malgré des budgets colossaux, certains films peinent à convaincre sur ce point.

La CGI (Computer-Generated Imagery), les effets spéciaux numériques et les VFX désignent tous les effets spéciaux au cinéma. Grâce à des logiciels d'animation et d'images de synthèse, ils peuvent créer des mondes de science-fiction complexes. Apparue dans les années 70, la CGI a marqué une évolution majeure, permettant de réaliser des choses impossibles avec les techniques traditionnelles. Cependant, malgré des avancées technologiques considérables, la qualité de la CGI ne s'est pas forcément améliorée avec le temps et certains iraient même jusqu'à dire que celle-ci décline.

CGI : naissance et évolution majeure

Les premières images de synthèse 2D apparaissent en 1973 dans Mondwest de Michael Crichton, avec John Whitney comme pionnier des effets spéciaux numériques. Il s'agit alors de simuler le point de vue électronique d’un robot tueur. En 1976, les images 3D sont utilisées dans Les Rescapés du futur, où la tête de Peter Fonda est scannée en 3D. En 1977, un film pionnier des effets spéciaux numériques sort dans les salles, Star Wars de Georges Lucas. Il marque une avancée majeure grâce à John Dykstra, assistant de Douglas Trumbull, qui va s’entourer d’étudiants, d’artistes et d'ingénieurs. Georges Lucas va alors créer sa propre structure indépendante dans Lucasfilm, Industrial Light & Magic (ILM) en 1975. Cette entreprise révolutionne les effets spéciaux numériques, collaborant sur des films comme The Abyss (1989) et Star Trek II (1981).

30 ans d'avancée technologique et pourtant, Jurassic Park a de meilleurs effets spéciaux que de nombreux blockbusters actuels. Voici pourquoi !30 ans d'avancée technologique et pourtant, Jurassic Park a de meilleurs effets spéciaux que de nombreux blockbusters actuels. Voici pourquoi !

Dans les années 90, l’industrie des effets spéciaux connaît une évolution rapide et significative. Cela se traduit par la création de films devenus cultes, comme Jurassic Park (1993) ou Terminator 2 (1991) où ILM combine habilement effets numériques, animatroniques (une technologie qui utilise des robots ou des mécanismes pour créer des personnages ou des objets animés) et effets pratiques pour un réalisme saisissant. Cette période voit également une avancée majeure des logiciels d'animation 3D, notamment grâce à John Lasseter et Pixar. En effet, John voulait tester la nouvelle technologie informatique qu’il a pu apercevoir dans le film Tron en 1982. Il sera embauché en 1984 par Computer Graphics Group (CAG), une division d’ILM, qui sera ensuite renommée Pixar Animation Studios suite au rachat par l'ancien PDG d'Apple, Steve Jobs. En 1995, il réalise Toy Story, le premier long-métrage entièrement animé en 3D, qui révolutionne l'industrie cinématographique en captivant un large public et suscitant de fortes émotions.

Pour en revenir au cinéma plus classique, la motion capture, qui combine tournage traditionnel et animation 3D, fait ses débuts dans La Momie (1999) pour créer le visage d’Imothep. Des personnages comme Gollum dans Les Seigneur des Anneaux (2001) ou encore Davy Jones dans Pirates des Caraïbes (2006) démontrent la puissance de cette technologie. En 2009, Avatar de James Cameron révolutionne l'utilisation de la CGI en créant un monde totalement fictif et immersif. Au fil des années, les effets spéciaux numériques ont considérablement évolué et occupent désormais une place essentielle dans l’industrie du cinéma. Pourtant, malgré des avancées technologiques majeures, de nombreux films récents font l’objet de critiques avec des effets spéciaux à déplorer.

Trop de CGI tue la CGI

L’essor des effets spéciaux numériques laissait présager des films visuellement plus impressionnants, d’autant plus avec l’augmentation des budgets de production. Pourtant, de nombreux blockbusters déçoivent. L’exigence imposée par certaines franchises comme Marvel, DC ou Star Wars contribue à cette tendance. Ant-Man et la Guêpe : Quantumania est un bon exemple. Malgré un budget de 200 millions de dollars, le film Marvel a fait l’objet de nombreuses critiques, notamment pour la représentation de MODOK (pas aidé par son apparence dans les comics). La production a pris un risque en voulant l’intégrer au film. Un risque qui n’a pas payé, car une grosse tête étirée dans tous les sens sur un corps de bébé, combinée à des effets spéciaux peu convaincants, a donné un résultat visuel dérangeant et peu crédible.

MODOK

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À l’inverse, certains films au budget bien plus modeste que ces blockbusters parviennent à séduire grâce à une utilisation plus maîtrisée de la technologie. C’est le cas de The Creator (2023) qui, avec un budget de 78 millions de dollars, a su convaincre le public et a même remporté l’Oscar des meilleurs effets visuels en 2024. Un autre exemple illustrant que, paradoxalement, un budget plus restreint peut aboutir à un rendu plus convaincant est District 9 (2009). Avec un budget de seulement 30 millions de dollars, il a réussi à produire des effets visuels impressionnants et a même reçu une nomination pour l'Oscar des meilleurs effets visuels en 2010.

30 ans d'avancée technologique et pourtant, Jurassic Park a de meilleurs effets spéciaux que de nombreux blockbusters actuels. Voici pourquoi !30 ans d'avancée technologique et pourtant, Jurassic Park a de meilleurs effets spéciaux que de nombreux blockbusters actuels. Voici pourquoi !

Ces films ont largement surpassé des blockbusters comme Green Lantern (2011). En effet, à sa sortie, le film qui a coûté 200 millions de dollars a reçu des critiques très négatives, pointant notamment une mauvaise utilisation des effets numériques. Par exemple, le masque d’Hal Jordan, entièrement créé en CGI, donne l'impression d'un tissu visqueux et verdâtre collé à son front. Cet effet nuit au réalisme du personnage et semble être un ajout artificiel, résultant d'une volonté excessive d’utiliser la CGI. De plus, le grand méchant du film, Parallax, ressemble à un nuage jaune géant qui paraît totalement faux et perd toute sa crédibilité. Richard Propes, un critique réputé de The Independent Critic, qualifie le film de "gaspillage total avec toute cette histoire de 3D". Les films décevants sont nombreux, et malheureusement, les artistes VFX sont souvent injustement blâmés. En réalité, plusieurs facteurs expliquent cette mauvaise gestion des effets spéciaux.

Raisons et conséquences de cette régression

Les artistes VFX travaillent énormément, peut-être trop. Connaissez-vous le phénomène du "VFX crunch" ? À l'instar des périodes de bouclage dans l’industrie du jeu vidéo, il désigne les phases de travail intensif caractérisées par des horaires excessivement longs et épuisants. Un ancien artiste VFX pour Marvel a confié à Vulture qu’il "travaillait sept jours par semaines pour une moyenne de 64 heures de travail". Par ailleurs, il souligne aussi la mauvaise habitude du géant américain d’exiger beaucoup de modifications tout au long du processus. Les artistes VFX sont donc généralement surchargés de travail chez Marvel.

Un autre artiste VFX renommé a aussi communiqué sur cette tendance d’en vouloir plus en peu de temps. Il s’agit de Rassoul Edji, connu pour son travail sur le film Transformers : Rise of the Beasts (2023) ou encore sur la série Percy Jackson and the Olympians (2023). En réponse à un tweet comparant les effets visuels des films Pirates des Caraïbes à ceux de Marvel, il a donné les raisons de ce déclin. Selon lui, les grands studios modifient constamment leurs plans, un problème qui a aussi été cité par l'ancien artiste VFX Marvel. Il met en avant le manque de temps constant auquel les équipes de VFX sont confrontées, ainsi que la tendance des studios à privilégier la rapidité et les coûts réduits, ce qui conduit à des résultats précipités et de qualité inférieure.

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Une autre raison réside également dans le nombre d'entreprises de VFX impliquées dans certains projets afin d'accélérer le processus et sortir les films plus tôt. Par exemple, dans Flash (2023), pas moins de dix studios ont mobilisé plus de 100 artistes VFX. Dans la série She-Hulk (2022), il y a 12 boîtes d’effets visuels. Les artistes VFX ne collaborent donc pas toujours directement entre eux, du moins pas de manière complète. On leur attribue des tâches spécifiques sans qu'ils aient une vision globale du film, ce qui limite leur capacité à créer les effets les plus cohérents. Tandis que dans Godzilla Minus One (2023) ou Avatar par exemple, une armée d’artistes provenant d'une ou deux entreprises travaillait ensemble sur place, ce qui rendait la tâche plus facile.

Le dernier problème, c'est nous. Des studios comme Marvel ou DC produisent des films avec des effets visuels parfois négligés, mais continuent de cartonner au box-office. Certains spectateurs s’y habituent, ne se préoccupant pas de la qualité visuelle, car ces films sont vus avant tout comme du divertissement. Tant que cela persiste, les studios n'ont aucune raison de changer, car ils génèrent d'énormes bénéfices à moindre coût. Les studios doivent se remettre en question, mais les spectateurs aussi doivent réagir.

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Heureusement, tous les blockbusters ne sont pas concernés. James Cameron a attendu 13 ans avant de sortir le second volet Avatar : La Voie de l'eau, qui a impressionné par ses effets visuels. De son côté, Denis Villeneuve a su allier effets pratiques et CGI dans Dune (2021). La technologie n’est pas en cause, bien au contraire. Lorsqu’elle est maîtrisée et bien exploitée, elle permet de donner naissance à des œuvres iconiques. Laisser du temps aux artistes VFX qui font un travail monstrueux et la qualité sera au rendez-vous.