Après plusieurs années marquées par une lassitude croissante du public et une baisse d’intérêt critique, le Marvel Cinematic Universe semble amorcer un tournant en 2025. Face à l’essoufflement de sa formule traditionnelle, Marvel explore de nouvelles pistes esthétiques et narratives. Cette évolution, plus audacieuse et intimiste, n’est pas sans rappeler la démarche du studio A24, et pourrait bien redéfinir l’avenir de la franchise.
Une fatigue pesante pour Marvel
Marvel traverse une période de trouble depuis Avengers : Endgame, sorti en 2019. Ce film, qui clôturait la phase 4 du MCU, a aussi sonné le début de la cinquième phase. Dès lors, de nombreuses productions du studio sont sorties à la chaîne, à la fois sur grand écran mais également sur Disney+. Mais quantité est rarement synonyme de qualité. Le marché des (nouveaux) super-héros semblait saturé par la multitude des séries Disney+, surtout entre 2021 et 2023 (Loki, Wanda Vision, Hawkeye, Moon Knight, She Hulk, Ms. Marvel, Secret Invasion). Cette surenchère a créé la lassitude du grand public envers Marvel.
En 2023, ce retour de bâton a été soulevé par Kevin Feige lui-même, le patron de Marvel. Lors de son passage dans le podcast The Movie Business, l'homme avançait que même à ses débuts au studio, le public semblait sceptique quant à l’idée de productions centrées sur des super-héros.
Je travaille chez Marvel Studios depuis plus de 22 ans, et la plupart des employés sont là depuis au moins 10 ans. Dès ma deuxième année chez Marvel, les gens se demandaient : "Combien de temps cela va-t-il durer ? Est-ce que cet engouement pour les films adaptés de bandes dessinées va se terminer ? Je ne comprenais pas vraiment la question - Kevin Feige
Kevin Feige
D’autant plus que le studio fait preuve d’une certaine fatigue, qui se traduit par des échecs commerciaux conséquents. C’est le cas du troisième épisode de la franchise Ant-Man, Ant-Man et la guêpe : Quatumania, qui est la pire recette de Marvel depuis 2023 (476 millions de dollars pour un budget de 380 millions). Un autre cas qui a beaucoup marqué, c’est le film The Marvels (2023). Le long-métrage a signé le pire démarrage, durant son premier week-end de diffusion aux Etats-Unis, de tout l’univers du MCU, avec seulement 40 millions de dollars.
Marvel a l’air d’avoir pris conscience du manque de réussite auquel il fait face ainsi que de sa production excessive de films et séries. Les présidents et co-président Kevin Feige et Louis D’esposito finissent par reconnaître qu’ils se sont trop dispersés dans le multivers et l’avènement de nouveaux personnages. Ils rassurent, en confirmant que des mesures drastiques seront prises pour sauver l’univers.
Nous avons retenu la leçon. Peut-être deux à trois films par an et une ou deux séries, au lieu de faire quatre films et quatre séries - Kevin Feige et Louis D’esposito
En 2024, Marvel n’a sorti qu’un seul film de super-héros au cinéma : Deadpool et Wolverine (1,3 milliards de dollars au box office). C’est la première fois depuis 2012 que Marvel fait le choix d’un tel rythme de sortie. Ce changement de stratégie a sans doute pour objectif de préparer le terrain pour l’année 2025, qui a à l’affiche des films essentiels pour la suite du MCU.
Une direction à la A24
La première grosse étape, ce sera Thunderbolts. Pour ce projet, Marvel peut compter sur un duo intéressant, loin des habituels yes man. Même si Eric Pearson est de la partie en tant que scénariste - il avait précédemment travaillé sur Thor : Ragnarok et Black Widow -, Jake Schreier et Joana Calo sont à l’origine du nouveau groupe de super-héros (ou antihéros). Ils sont respectivement réalisateur et scénariste. Tous deux ont travaillé sur The Bear. La série de trois saisons est diffusée sur Disney+ (Disney a racheté Marvel en 2009) et connaît un succès plus qu’important. La première saison a récolté la note parfaite de 100% sur Rotten Tomatoes. En 2024, la production faisait partie du top des oeuvres les plus récompensées. Elle avait remporté plusieurs Emmy Awards, Golden Globes et Critic’s Choice Awards.
Le gros changement avec Thunderbolts, c’est que la production a clairement des airs de films indés dans l’esprit du studio américain A24. En quelques années, ce dernier est devenu le fleuron du “cinéma indépendant”. Leur philosophie : placer le réalisateur au centre du projet. Le studio A24 se distingue également par le choix audacieux de ses productions souvent singulières. Dans leurs plus grandes réussites, on peut citer Everything Everywhere : All at Once, réalisé par Daniel Scheinert et Daniel Kwan, qui propose au public une histoire mêlant aventure, action, science-fiction. Et autant dire que cette recette a du succès puisque lors de la 95ème cérémonie des Oscars, pas moins de 7 statuettes ont été remportées par l’équipe du film (meilleur film, meilleure actrice, meilleur acteur…). Depuis peu, A24 connaît une ascension fulgurante. Civil War (2024) en est la preuve puisque c’est littéralement toute une ville qui a servi à son tournage. C’est le plus gros démarrage pour A24 en domestique avec 25,5 millions de dollars perçus.
Les Thunderbolts
Ces ingrédients sont présents dans Thunderbolts, du moins dans sa bande-annonce. Florence Pugh, incarnant Yelena Belova, présente le film comme “indépendant” à l'image d'une production A24. La comédienne met en avant le contraste qu’il a avec les Marvel précédents. Le film a un style différent. “On y retrouve une certaine noirceur émotionnelle qui résonne profondément, sans pour autant sacrifier l'humour”, déclare-t-elle. Thunderbolts marque l'introduction dans le MCU de sept super (anti)-héros avec Yelena Belova, Bucky Barnes, Red Guardian, Le Fantôme, Taskmaster et John Walker. Aussi désabusés que laissés pour compte, ces personnages vont voir leur destin s'unir après qu’ils soient tombés dans le piège de la redoutable Valentina Allegra de Fontaine.
L’équipe est par ailleurs déjà annoncée comme personnages principaux dans le prochain Avengers; Avengers : Doomsday (2026). Ce qui est intéressant est que plusieurs de ces acteurs ont déjà en amont travaillé avec A24 et tourné dans leurs films. C’est le cas de Florence Pugh ayant joué Almut dans We Live In Time (2024) et Sebastian Stan qui incarne Adam Pearson dans A Different Man (2024).
2025 : Le grand retour de Marvel
Marvel semble remonter la pente avec une nouvelle identité, mais aussi avec davantage de noirceur et de violence. Les dernières sorties séduisent plus les fans. Daredevil : Born Again, en cours de diffusion sur Disney+ depuis le 4 mars dernier, connaît une belle réussite. La production a signé le meilleur démarrage d’une série sur la plateforme en 2025, avec 7,5 millions de vues les 5 jours qui ont suivi sa sortie.
Le succès de Daredevil est en partie dû au remaniement du scénario opéré par la nouvelle équipe de production de la série, après le licenciement de l’équipe initiale, relate The Hollywood Reporter. L’avocat/héros Matt Murdock, incarné par Charli Cox, renaît de ses cendres. Il est plus sombre et cela permet au public de s’immerger dans les tourments du personnage.
Matt Murdock alias Daredevil
En ce début d’année 2025, ces succès représentent plus que de bons signaux pour Marvel. N’oublions pas que d’ici peu sortira Thunderbolts, mais surtout les 4 Fantastiques, censé marquer le coeur de l’intrigue de la phase 6 du MCU et surtout introduire le combat que vont mener les héros contre Docteur Fatalis (Avengers : Doomsday en 2026). Le groupe de héros va faire son entrée dans l’univers Marvel le 23 juillet prochain. Au casting, on trouvera Pedro Pascal dans le rôle de Mister Fantastique, Vanessa Kirby en Susan Storm, Joseph Quinne incarnant Johnny Storm/la torche humaine et enfin Ebon Moss-Bachrach jouant Ben Grimm/La Chose. Le film s’annonce clairement comme un reboot, puisqu’il revisite complètement les scénarios vus dans ses 2 prédécesseurs (2005-2015). Cette fois-ci, ils doivent défendre la Terre contre un dieu spatial vorace appelé Galactus et son énigmatique messager, le Surfer d'Argent. On espère que cette nouvelle direction séduira le public et atténuera la fatigue connue par Marvel.
Les 4 Fantastiques
Si l’année 2025 marque un retour en force du MCU, c’est avant tout grâce à une remise en question de ses fondements. En s’éloignant des schémas narratifs standardisés à répétition pour embrasser des codes plus artistiques et audacieux, le studio semble vouloir reconquérir un public en quête de renouveau et de surprises. Cette évolution, inspirée par des studios comme A24, pourrait ouvrir une nouvelle ère pour Marvel. Reste à savoir si cette dynamique s’inscrira dans la durée. Une chose est sûre : Marvel n’a pas dit son dernier mot !