BioForge : Retour sur un Survival Horror SF oublié qui a précédé Resident Evil

Titre original : Il y a 30 ans, Resident Evil achevait ce jeu vidéo SF horrifique novateur

Dans l’histoire du jeu vidéo, il n’est pas rare de voir que certains titres n’ont pas eu le succès qu’ils méritaient, à cause de petits défauts ayant joué en leur défaveur ou par la faute de l’arrivée d’un mastodonte du genre. Le Survival Horror d’Origin Systems sorti en 1995 sur PC en est un parfait exemple. Combinant science-fiction, horreur et énigmes au sein d’un univers intrigant, il n’a pas survécu à l’invasion des zombies de Capcom.

Sommaire

  • BioForge : de rouille et d’os
  • Un Survival Horror SF en avance sur son temps
  • Les failles dans la matrice
  • Dans les entrailles de BioForge… les graines de BioShock ?

BioForge : de rouille et d’os

Lorsque l’on évoque les Survival Horror qui ont marqué l’histoire du jeu vidéo, les mêmes noms reviennent inlassablement. Pour beaucoup de joueurs, le genre est né dans la forêt de Raccoon City en 1996 avec Resident Evil, quand bien même il se serait appuyé sur les fondations solides des manoirs du docteur Hauzer (Doctor Hauzer, 1994), Derceto (Alone in the Dark, 1992), du peintre Mamiya (Sweet Home, 1986) voire de la bâtisse délabrée de Spirit Bay (Haunted House, 1981). On a beau regarder dans les différentes revues spécialisées, même celles dédiées exclusivement au genre horrifique, à l’image du hors-série #3 d’IG Magazine (mars/avril 2012), un soft sorti en 1995 a été largement oublié. Son nom ? Bioforge.

Il y a 30 ans, Resident Evil achevait ce jeu vidéo SF horrifique novateur

Développé par Origin Systems (nous reviendrons plus tard sur le pedigree du studio), BioForge plonge le joueur dans la peau d’un cobaye d’expériences cybernétiques qui se réveille, amnésique, dans la cellule d’une prison aux allures de base futuriste. Ce dernier aurait pu sortir de son sommeil artificiel avec seulement la peau sur les os, mais le problème, c’est qu’il n’a plus vraiment d’os. Amas humanoïde fait de chair et de métal, Lex est devenu un cyborg. Au fil de ses pérégrinations, il découvre qu’il se trouve enfermé dans une base dirigée par des fanatiques religieux appelés “Mondites”, des terroristes ne croyant qu’en une seule chose : la fusion entre l’homme et la machine.

Il y a 30 ans, Resident Evil achevait ce jeu vidéo SF horrifique novateur

Un Survival Horror SF en avance sur son temps

Doté d’une réalisation spectaculaire pour l’époque avec ses caméras fixes accentuant l’aspect cinématographique de la narration, ses personnages en 3D texturés aux animations fluides, ses effets spéciaux impressionnants et ses cinématiques en CGI, BioForge frappe fort dès ses premières minutes. Les suivantes exposent un gameplay complexe mêlant exploration, action et énigmes. L’objectif principal est d’en apprendre plus sur l’identité de Lex. Ce qui est extrêmement bien trouvé, c’est que cette dernière évolue en fonction des actions du joueur. En effet, le soft garde en mémoire le degré d’agressivité de l’utilisateur afin de changer la révélation finale. Sachant que les situations problématiques peuvent être résolues de manière pacifiste (en faisant marcher sa matière grise) ou agressives (en faisant parler les poings), cette fonctionnalité est pertinente.

Il y a 30 ans, Resident Evil achevait ce jeu vidéo SF horrifique novateur

Capable de se battre en étant équipé d’une arme ou à mains nues, à l’instar d’un certain Edward Carnby d’Alone in the Dark, Lex n’est pas un protagoniste comme les autres puisque c’est un cyborg. Les développeurs ont eu la bonne idée de se servir de la nature de leur héros pour apporter des mécaniques bien huilées. Par exemple, le corps du personnage est équipé d’une batterie alimentant diverses fonctions corporelles, allant du soin au tir avec une arme à feu (le PFD). Il faut donc gérer ces batteries à bon escient en fonction des situations rencontrées, ce qui ajoute un aspect stratégique loin d’être déplaisant. Le héros a aussi la faculté de prendre le contrôle de terminaux dans le but de commander des robots à distance, de contourner des systèmes de sécurité ou d'ouvrir des portes, ce qui assure un peu de variété aux puzzles.

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Enfin, l’histoire de BioForge, narrée à travers des messages laissés par les autres prisonniers, bénéficie d'un système de journal de bord intéressant. Au fur et à mesure que le joueur avance et ramasse des documents, Lex met à jour ses informations et résume les éléments les plus importants qu’il faut absolument retenir afin de comprendre l’histoire, un peu comme dans Shenmue. Bien que ce modèle soit répandu aujourd’hui, cela n’était pas forcément le cas au milieu des années 1990.

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Les failles dans la matrice

Aussi impressionnant et novateur que BioForge puisse être en 1995, il a également des défauts bien réels. Le premier, c’est que les contrôles sont d’une lourdeur éprouvante. Pensé pour n’être joué qu’avec l’ensemble clavier/souris sur PC, il n’est pas des plus confortables pour l’utilisateur. Les touches/combinaisons sont nombreuses, et le déplacement à la manière d’un tank des Survival Horror de l’époque n’aide pas à se sentir très à l’aise. Certains diront que cela colle parfaitement avec le genre ! Malheureusement, l’exploration confuse, le manque général d’explications à propos des mécaniques principales et les temps de chargement particulièrement longs n’aident pas BioForge à se faire un nom au-delà d’un petit cercle d’initiés. En outre, la configuration requise pour lancer la production d’Origin Systems est élevée, peut-être trop pour espérer s’installer dans un maximum de foyers. Malgré ses qualités reconnues par une partie de la presse, BioForge peine à se faire un nom auprès du grand public.

Il y a 30 ans, Resident Evil achevait ce jeu vidéo SF horrifique novateur

C’est dans ce contexte que Resident Evil débarque en mars 1996 sur PlayStation, puis un peu plus tard sur PC. Ayant déjà fait de l'œil aux fans d’expériences stressantes depuis quelques mois, le soft de Capcom se veut beaucoup plus accessible et oriente son expérience sur les sensations. Il simplifie les combats tout en rendant les affrontements plus angoissants grâce à une gestion rigoureuse des munitions et des soins, tout en rendant la mise en scène encore plus percutante. Avec son level design plus maîtrisé et son manoir Spencer moins froid que le labyrinthe technologique de BioForge, Resident Evil fait une bouchée de tous ses concurrents. En moins d’un an, il devient la référence incontournable du genre, reléguant BioForge au rang de curiosité méconnue. Sa suite, un temps prévue, sobrement intitulée BioForge 2, sera annulée dans la foulée. “La sortie de Resident Evil (...) a fait disparaître le jeu des radars”, résume à juste titre Florent Gorges dans ses Oubliés de la Playhistoire.

Il y a 30 ans, Resident Evil achevait ce jeu vidéo SF horrifique novateur

Dans les entrailles de BioForge… les graines de BioShock ?

Si BioForge a été éclipsé par Resident Evil, il n’en demeure pas moins un titre remarquable. Du côté de sa conception, nous retrouvons le studio américain fondé par Richard Garriott, Origin Systems. Ce dernier, principalement connu pour les séries Ultima et Wing Commander, a également sorti en 1994 – un peu avant BioForge donc – un certain System Shock. Bien que Ken Levine, Lead Designer de System Shock 2, ait déjà reconnu que BioShock 2 était un successeur spirituel de System Shock, il est amusant de voir quelques similitudes entre BioShock et BioForge, telles que l’histoire qui se découvre à l’aide de documents, le thème du transhumanisme, la place du libre-arbitre dans les mécaniques ou encore le héros qui découvre son passé au fil de la progression. Il est d’ailleurs amusant de constater que le titre “BioShock” est le résultat d’une fusion entre “BioForge” et “System Shock”, deux titres imaginés par Origin Systems. Le fruit du hasard ?