C’est une fonctionnalité qui, depuis son introduction en 2013 sur les consoles, a perdu de sa valeur. Il faut lui redonner du sens et selon moi, la Nintendo Switch 2 est l’occasion parfaite de la moderniser.
C’est officiel depuis le mois de janvier : la Switch 2 est la prochaine console de Nintendo et sera présentée en détail lors d’un direct le 02 avril à 15h00. Une conférence en ligne que les amateurs de jeux vidéo doivent attendre avec impatience, tant pour avoir enfin une date de sortie de la console que les nouveaux jeux qu’elle accueillera. De quoi voir aussi de façon approfondie les fonctionnalités esquissées au mois de janvier avec par exemple la possibilité d’utiliser les JoyCon comme souris. Ce qui est sûr, c’est que Nintendo doit avoir encore dans son sac de belles surprises. Et j’espère sincèrement que l’une d’elle sera la modernisation du système de trophées / de succès déjà présent sur les écosystèmes PlayStation, Xbox et PC.
Entre cases à cocher et découvertes supplémentaires
Ce système a été intégré aux consoles de salon avec leur septième génération. Lors de la réalisation de certaines tâches (finir le chapitre 1, battre tant d’ennemis…), la console octroie des points (sur machines Xbox) ou des trophées (sur machines PlayStation).

Une activité qui est devenue pour certains quelque chose d’indissociable de l’expérience. Certains estiment que ça permet de jouer plus, d’attirer l’attention sur ce que le jeu à offrir. Une deuxième partie des joueurs font la chasse aux trophées, qu’ils justifient par des raisons qui leur sont propres. À l’inverse, d’autres marquent leur désintérêt en expliquant que ce n’est juste que des cases à cocher, que ça peut devenir une corvée. De quoi transformer le jeu vidéo, qui est un loisir pour une majorité de personnes, en corvée voire en travail. Mais en tout état de cause, cela n’a jamais été quelque chose d’obligatoire.
C’est alors le premier argument que l’on peut souligner lorsqu’il faut justifier l’absence d’un tel système dans l’écosystème Nintendo. “Big N”, depuis plusieurs décennies maintenant, est avant tout réputé pour mettre en avant le divertissement de ses jeux. Il faut d’abord avoir des idées pour rendre le jeu est fun et c’est pour cela, au grand dam de certains, que certaines licences exclusives de la boîte (F-Zero pour ne citer qu’elle) ne sont plus d’actualités. À l’instar de sa philosophie et de l’incompatibilité de celle-ci avec les jeux en ligne, impossible d’intégrer une activité rébarbative pour les joueurs.
Nintendo ne veut pas ranger les joueurs dans des cases
De fait, les consoles et jeux Nintendo ne sont pas faits pour aspirer les joueurs dans une boucle infinie. J’en parlais déjà l’année dernière à la même époque : je parlais de la philosophie de Nintendo sur les jeux service. Shigeru Miyamoto, souvent considéré comme le Spielberg du jeu vidéo, avait expliqué pourquoi il ne voulait pas faire de jeu en ligne massivement multijoueur :
Il y a quelques années, lorsque les MMORPG étaient à la mode, je ne voulais pas en faire un. Comme je me lasse facilement des choses, je ne veux pas continuer à créer un seul jeu.
Une lassitude qui peut être ressentie par ceux ne voulant pas se mettre à la chasse aux trophées. C’est probablement pour cette raison que Nintendo n’a pas passé le pas. Mais d’autres raisons viennent s’ajouter, selon nous, à cette anomalie.
Tout d’abord, ces succès peuvent casser l’immersion dans un titre. La notification et le bruit qui l’accompagne, s’ils servent de shot de dopamine, peuvent casser le moment présent. Dans un second temps, il s’agit toujours d’une question de philosophie. Ce sont Kit & Krysta, d’anciens responsables respectivement chargés du social (réseaux, influenceurs, créateurs de contenu) et des relations presse de Nintendo America. Ils ont lancé leur propre podcast et publie chaque semaine une vidéo en lien avec l’actualité Nintendo ou répondent aux questions de leurs followers. En août 2024, ils publient une vidéo revenant sur le refus de leur ancien employeur de se lancer dans le système de trophées et de succès. Ils parlent de ne pas vouloir mettre les joueurs dans des cases :
Ils sont tellement concentrés sur cette idée qu'ils ne veulent pas que quelqu'un soit inférieur ou supérieur.
En outre, il y a aussi cette idée de vouloir faire les choses à leur façon. Kit explique que lors d’une réunion, quelqu’un a amené sur la table le fait de reprendre le système de Xbox. Ça ne ‘est pas bien passé pour lui :
La Xbox fait bien ceci, pourquoi ne pas faire cela ? Cette personne a été éviscérée lors de cette réunion. Nous faisons les choses à notre manière. C'est la méthode Nintendo. Nous ne pouvons pas nous contenter de suivre la voie de la Xbox.
Quelque chose qui n’est pas surprenant en réalité tant la créativité et le divertissement a été l’un des facteurs de réussite pour Nintendo. Quelque chose que l’on peut voir avec par exemple Breath of the Wild ou Super Mario Bros Wonder : le joueur a le sentiment de découvrir les choses par lui-même alors qu’il est en réalité entraîné inconsciemment par Nintendo. Et c’est bien tout là que selon moi, Nintendo peut et doit creuser.
Il n'y a que Nintendo qui peut redonner du sens

Nintendo n’a jamais dit jamais avec le système de hauts-faits / récompenses. Certains jeux les intègrent directement comme Endless Ocean, Pikmin 3 Deluxe, Super Mario Odyssey ou encore Luigi’s Mansion 3. Depuis février 2022, les abonnés au service en ligne du Nintendo Switch Online peuvent effectuer des missions pour recevoir des points platine. Rien qui peut servir à s’exhiber en ligne puisque ces points permettent seulement de s’offrir des cosmétiques pour leur icône de profil. En plus de ça, les missions demandées ne sont pas exigeante : il suffit souvent de jouer en ligne ou d’utiliser le cloud.



J’en ai déjà parlé dans cet article et de toute façon c’est un peu l’un des traits de Nintendo : l’entreprise a toujours voulu faire les choses à sa manière, veut innover et porte le fun comme caractéristique numéro une lorsqu’il développe un jeu. Je ne veux donc pas croire que Big N ne planche pas sur une idée générale de rendre la découverte de chacun de ses jeux encore plus folle qu’elle ne l’est aujourd’hui.
Il faut reconnaître que maintenant depuis presque 20 ans, la majorité des succès des jeux n’ont pas vraiment de sens. Une majorité est débloquée derrière le mode campagne tandis que les autres consistent juste à récupérer tous les collectibles du jeu. Quelque chose de rarement intéressant mais souvent lassant. S’il y a bien un constructeur qui peut redonner du sens à cette quête aux succès, c’est bien Nintendo grâce à sa philosophie : le divertissement avant tout. Et c’est tout à fait possible de le faire en satisfaisant le besoin de dopamine de certains.
Pas besoin de refaire tout l’historique de Nintendo pour savoir comment elle réussit au fil des années à vendre ses jeux. Il suffit de reprendre ses titres de ses deux dernières années. Les rééditions mises de côté, l’intégralité des jeux Nintendo arrive à surprendre, arrive à être créative. Super Mario Bros. Wonder, Echoes of Wisdom ou encore Tears of the Kingdom : tous émerveillent et stimulent le joueur pour tester des choses. C’est là-dessus qu’il faut appuyer avec les hauts-faits. Promouvoir la découverte avec des manières de jouer auxquelles le joueur n’aurait pas pensé. Il faut que ces trophées soient des énigmes en soi et non pas juste des cases à cocher.
Quelque chose qui est trop peu répandu sur les jeux récents mais qui m’a frappé sur Split Fiction. Le dernier jeu du studio Hazelight, créateur de It Takes Two, affiche une vingtaine de trophées. À l’exception de celui acquis une fois les crédits de fin déroulés, tous les autres correspondent à des actions bien précises. Ça reste du contenu annexe, donc totalement facultatif, mais qui pousse à l’expérimentation et à la découverte. Une idée d’autant plus pertinente que Split Fiction est un jeu exclusivement jouable à deux : la satisfaction d’avoir trouvé est donc encore plus forte. Plus on est de fous plus on rit !
Avec la Switch 2, Nintendo a donc l’opportunité de s’approprier de moderniser ce système de trophées / succès et surtout de lui redonner un sens qu’il a perdu après 10 années d’existence. Une fonctionnalité qui s’aligne parfaitement avec l’idéologie de l’entreprise de vouloir faire les choses différemment, à sa façon, tout en lui intégrant l’une des composantes qui a servi à sa notoriété : le fun avant tout.