Éric Barone : L'Ascension d'un Développeur Indépendant et la Création de Stardew Valley

Titre original : Il a créé un GOTY seul ! Un défi de 6 mois qui a changé sa vie...

Certains artistes sacrifient leur vie personnelle pour leur œuvre. C’est le cas d’Éric Barone, développeur du jeu vidéo Stardew Valley. Il a mis cinq ans pour achever son jeu, et ce, presque sans aide extérieure. Aujourd’hui, c’est un jeu culte.

Sommaire

  • Sur le papier, un projet déjà bien compliqué
  • Les débuts d'une œuvre prometteuse
  • Les premiers obstacles
  • Premier contact avec le public
  • Les difficultés de la vie
  • Dernière ligne droite
  • Succès unanime
  • La boucle est bouclée

L'idée de l'artiste totalement absorbé par son travail est fréquente. On observe cela dans la peinture, la musique et le cinéma, et c'est aussi vrai dans le monde des jeux vidéo. Le créateur d'un jeu indépendant très connu en est un bon exemple, ayant pris de grands risques pour son projet. Ce qui a commencé comme un simple défi professionnel est devenu l'œuvre de sa vie. Ceci est l'histoire d'Éric Barone, le créateur de Stardew Valley.

L'aventure a commencé en 2010 en Amérique, au sud de Seattle, dans un centre commercial. C'est là que deux étudiants, Éric Barone et Amber Hageman, faisaient divers petits boulots pour payer leurs études et mettre de côté un peu d'argent. Leur rencontre a mené à une relation amoureuse rapide. Amber, plus jeune qu'Éric, admirait beaucoup la passion intense et la créativité de son compagnon. Malgré son jeune âge, il avait déjà créé des jeux simples, composé des albums de musique et produit beaucoup de dessins. Ainsi, dès le début de leur relation, les deux amoureux ont découvert un grand intérêt commun pour la série Harvest Moon. Dans ce jeu vidéo japonais très agréable, le joueur doit réparer et ensuite gérer une ferme. Le couple aimait tellement cette série que leurs premiers rendez-vous se passaient souvent devant une PlayStation 1, jouant pendant de nombreuses heures au premier jeu Harvest Moon et se passant la manette à tour de rôle.

Il a créé un GOTY seul ! Un défi de 6 mois qui a changé sa vie...

Un an plus tard, en 2011, les deux conjoints ont emménagé chez les parents d'Éric Barone. Il venait d'obtenir son diplôme en Informatique à l'université de Washington Tacoma. Ce diplôme aurait pu lui promettre un bon avenir professionnel ; cependant, Éric avait beaucoup de mal à trouver son premier emploi de programmeur. C'est face à cette difficulté qu'est née l'idée qui allait changer sa vie : "Pourquoi ne pas créer un jeu vidéo ?". Cette initiative lui semblait être un bon moyen d'améliorer ses compétences en programmation, de gagner en confiance et de faciliter sa recherche d'emploi en montrant un projet concret. Pour lui, c'était la garantie du succès. Il faut rappeler que ce jeune programmeur n'en était pas à son premier essai, ayant déjà travaillé sur une copie de Bomberman, par exemple. Néanmoins, le problème était qu'il n'avait jamais terminé aucun de ses projets précédents. Conscient de ce défaut, il s'est lancé un défi, qu'il a rapidement partagé avec Amber : terminer un jeu seul, en six mois maximum.

Sur le papier, un projet déjà bien compliqué

Mais quel type de jeu choisir pour un défi avec un temps aussi limité ? Pour ce projet, Éric Barone n'a pas cherché longtemps : il a simplement décidé de créer sa propre version du concept d'Harvest Moon, en ajoutant ses propres personnages et ses propres environnements de jeu. Concernant la manière de produire le jeu, il était très clair : il voulait tout faire seul, en tant que développeur indépendant, et de manière rigoureuse. Il est important de préciser que, d'habitude, la plupart des jeux vidéo sont créés par des équipes d'une dizaine de personnes, chacune spécialisée dans un domaine précis, comme le graphisme, la programmation, la conception et la musique. Éric Barone, lui, voulait écrire chaque dialogue, faire chaque dessin, et même composer chaque morceau de la musique, tout seul. De plus, pour la programmation, il voulait développer le jeu à partir de rien, sans utiliser un moteur de jeu déjà existant et fiable. Non, ce "Rambo" du jeu vidéo voulait, à travers cette épreuve, tester ses propres capacités. C'était une sorte de défi ultime pour une vie d'artiste. Et tout cela, rappelons-le, en six mois. Il est certain qu'Éric Barone, malgré son goût pour les défis, ne savait pas l'ampleur du travail qui l'attendait.

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Les débuts d'une œuvre prometteuse

Éric Barone a commencé son projet en écrivant le code informatique. En quelques jours, il a réussi à faire bouger des personnages dans un espace en deux dimensions. Ces personnages n'étaient pas originaux ; il les avait d'abord pris de jeux Super Nintendo qu'il aimait bien, en pensant les modifier plus tard pour leur donner un aspect fait main. Au début, son objectif principal était d'apprendre à animer ces figures. Quelques semaines après le lancement du projet, Éric était assez fier de son jeu, qu'il a d'abord appelé Sprout Valley, avant de le renommer Stardew Valley. Les heures de travail s'accumulaient, et Éric s'y consacrait entièrement. À partir de ce moment, Stardew Valley a commencé à prendre forme sur l'ordinateur d'Éric. On pouvait y créer son personnage, le personnaliser, et une histoire simple se mettait en place. Le joueur quittait une grande entreprise où il était enfermé dans un bureau pour s'installer à la campagne, dans le petit village de Pelican Town. Là, il commençait à réparer une vieille ferme pour se livrer à diverses activités : pêche, combat, forge, artisanat, agriculture et, bien sûr, interactions avec les habitants. En résumé, le jeu mélangeait beaucoup d'influences, allant d'Harvest Moon à Zelda, et quelques mois après ses débuts, ses grandes lignes étaient déjà visibles. Bien que la cohabitation avec les parents d'Éric n'ait pas posé de gros problèmes au début pour le couple, la situation a évolué. Amber et Éric voulaient trouver un endroit où vivre seuls. Le problème était que le développement du jeu prenait tout le temps d'Éric. Depuis plusieurs mois, il y consacrait entre 8 et 15 heures par jour et avait arrêté de travailler pour ne pas s'éloigner de son projet. Amber a accepté cette situation et a pris deux emplois pour permettre au couple de s'installer dans un petit appartement au centre de Seattle. Certains pourraient y voir une preuve d'amour total, tandis que d'autres souligneraient le courage et la confiance d'Amber envers le talent de son compagnon, Éric Barone.

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Les premiers obstacles

Après plusieurs mois de travail, Éric pensait que son choix de travailler seul était une bonne idée : il était le seul responsable, pouvait faire ce qu'il voulait et apprenait beaucoup sur toutes les étapes de la production. Il était sûr que cette expérience l'aiderait à trouver un emploi de programmeur. Cependant, Éric allait découvrir que la solitude signifiait aussi être le seul responsable des erreurs et devoir tout faire. Il a alors réalisé que l'ampleur du projet était peut-être trop grande. Ou plutôt, il s'est rendu compte qu'au fil des semaines, il ajoutait sans cesse de nouvelles fonctionnalités, ce qui allongeait beaucoup la durée du projet. Bien sûr, Éric était doué et apprenait efficacement grâce à des tutoriels sur YouTube. Cependant, il manquait cruellement d'organisation. Il se dispersait, apprenait et travaillait en même temps sur des aspects très différents. Cette façon de faire n'aidait pas à avoir une vision d'ensemble de son projet : il n'avait pas de perspective claire sur le jeu qu'il était en train de créer. La famille d'Amber demandait souvent quand Stardew Valley serait terminé, car le "petit projet de 6 mois" avait déjà largement dépassé ce délai sans qu'on puisse y jouer, même dans une version très simple. Stressé, Éric répondait toujours : "Oh, dans un mois ou deux". Il se sentait isolé, face à son anxiété et à un projet qui semblait ne jamais finir. Une nuit, il a eu un déclic : il fallait parler du jeu au public.

Premier contact avec le public

Nous étions alors à la moitié de l'année 2012, et après presque un an de travail quotidien, Barone a créé un site internet. Pour faire connaître l'existence de Stardew Valley, Éric a commencé à publier des messages sur des forums dédiés aux fans d'Harvest Moon. Cette initiative a été très utile. Les réactions ont été immédiatement très positives et l'ont aidé à identifier les éléments manquants pour faire du jeu une expérience complète et satisfaisante. Comme beaucoup de jeux indépendants de cette période, la cible principale était le PC, dont le marché amateur était en pleine croissance. Cette situation était favorable, car Steam, la plateforme la plus importante pour le PC, venait de changer sa façon d'accepter les jeux. L'analyse rigoureuse de plusieurs semaines était terminée, laissant place à la popularité. Avec Steam Greenlight, Steam acceptait de distribuer un jeu sur sa plateforme si celui-ci obtenait des dizaines de milliers de "j'aime". Il fallait donc faire du bruit, se faire connaître et créer une communauté. Ce fut un grand coup de chance pour Éric Barone, car son jeu s'adressait directement à la communauté bien organisée et prête à s'exprimer des fans d'Harvest Moon. En grand nombre, les joueurs ont voté pour que Stardew Valley puisse sortir sur Steam, et en quelques jours, la première étape d'une longue série de validations a été franchie. Cependant, Éric avait l'impression d'aller trop vite, d'être approuvé par le public avant même d'avoir terminé son jeu. Et ce sentiment allait continuer.

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Quelques mois plus tard, Éric regardait sa jauge de validation sur Steam Greenlight et constatait que l'objectif était encore loin, tandis que le développement du jeu avançait lentement. Il avait largement dépassé le délai initial de six mois, mais cela n'avait pas d'importance : Éric sentait qu'il avait créé quelque chose d'important. Un appel téléphonique allait d'ailleurs confirmer cette impression. À l'autre bout du fil se trouvait le responsable de Chucklefish, un éditeur et développeur indépendant qui avait connu un grand succès quelques mois auparavant en lançant le jeu Starbound. Éric pensait que Chucklefish avait du talent, et qu'il était donc sur la bonne voie. De plus, le contrat d'édition était très avantageux, avec seulement 10% des ventes retenues, contre 50 ou 60% chez d'autres éditeurs à l'époque. Éric ne pouvait pas refuser une telle offre et a signé avec Chucklefish. Quelques jours après, la nouvelle s'est répandue dans le monde entier, et la page Greenlight de Stardew Valley a connu une explosion de popularité. Nous étions en mai 2013, et deux mois après avoir signé avec son éditeur, Stardew Valley était désormais accepté pour une sortie sur Steam, avec une communauté impatiente de l'accueillir. Le projet, quant à lui, était toujours en cours.

Les difficultés de la vie

Éric en était à plus d'un an et demi de développement sur son fameux projet initialement prévu pour six mois maximum, et il lui restait encore beaucoup de travail pour terminer le jeu. De son côté, Amber devait travailler à mi-temps pour préparer ses examens. Les économies du couple atteignaient une limite dangereuse. Cette situation critique a amené Éric à se demander s'il ne devait pas chercher un emploi et proposer le jeu en accès anticipé pour en vendre quelques exemplaires, même s'il n'était pas terminé. Mais alors que cette idée lui traversait l'esprit, le rêveur obstiné qui était en lui a repris le contrôle : "Non, je ne sortirai pas Stardew Valley tant qu'il ne sera pas achevé". Au moins, sa décision était claire : pas de solution de facilité, pas d'accès anticipé, pas de dons, rien, il devait finir le jeu pour récolter le fruit de son travail. Résigné, il a accepté un emploi subalterne d'ouvreur au Paramount Theatre de Seattle. Ce fut une lueur d'espoir dans la vie d'Amber, sa compagne, qui n'était plus la seule à gagner de l'argent pour le couple. Pour Éric, cela avait aussi un côté positif : cela le sortait de son isolement et lui permettait de rencontrer d'autres personnes.

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Cette période difficile a duré de longs mois. Après deux ans de développement, le quotidien d'Éric était un mélange de solitude et de procrastination. Quand Amber partait travailler, il faisait semblant de travailler, passant en réalité sa journée à jouer à Civilization ou Final Fantasy, ne revenant à ses écrans de travail qu'au retour d'Amber, fatiguée par sa journée. Il se sentait coupable et traversait des moments de découragement importants, tant sur le plan moral que productif. Sa communauté a d'ailleurs commencé à s'inquiéter, le croyant même mort pendant quelques mois, avant qu'Éric ne donne de nouveau des nouvelles. Il a expliqué aux fans du jeu, qui l'attendaient avec impatience, qu'il avait besoin de ces périodes de retrait, où il prenait du temps pour lui, afin de revenir plus productif que jamais sur le projet, en cours depuis plus de trois ans.

Dernière ligne droite

La phase finale de notre récit s'est déroulée au début de l'année 2015, lorsque l'entourage d'Éric Barone lui a conseillé de fixer une date de sortie pour le jeu. Cela l'aiderait à se fixer des limites logiques et cohérentes. Telle était la version officielle, car en privé, Amber s'inquiétait surtout de l'état physique et mental de son compagnon, ce qui était compréhensible. Éric en était à plus de quatre ans de développement solitaire dans un stress constant. Cependant, le jeune Américain commençait à voir le bout du tunnel, et la même année, une diffusion en direct sur Twitch a été organisée pour présenter le jeu, alors que Stardew Valley n'était pas terminé. En principe, Éric Barone n'était pas d'accord avec cette initiative proposée par l'éditeur. Pendant une heure, les spectateurs ont découvert Pelican Town, ont fait la connaissance de quelques habitants et ont observé en direct certaines activités importantes du jeu. Éric, d'abord réticent à ce stream, a reconnu que l'effet était positif : le public semblait satisfait de ce qu'il avait vu et n'attendait qu'une chose, la date de sortie.

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En janvier 2016, Éric Barone a donc annoncé la date de sortie, fixée à un mois plus tard, le jeu étant presque terminé. La campagne de marketing a enfin pu commencer. Les créateurs de contenu et les journalistes ont reçu le jeu, l'ont essayé et en ont parlé. En bref, tout se déroulait parfaitement pour le grand jour : celui où le public pourrait enfin y jouer. Quelques corrections de bugs plus tard, Éric Barone, complètement épuisé, s'est dit qu'il avait réussi : il avait mis cinq ans au lieu de six mois, mais son jeu était désormais disponible sur PC. Le soir important de la mise en ligne, Éric et Amber ont organisé une fête avec leurs amis. Cependant, Éric ne pouvait s'empêcher de regarder de temps en temps son compte développeur sur Steam, où s'affichait en temps réel le nombre d'exemplaires vendus. Il se demandait alors si le public le suivrait jusqu'au bout, ou si son projet avait mis trop de temps à voir le jour.

Succès unanime

Six mois plus tard, Éric Barone s'est rendu à la Penny Arcade Expo, une convention dédiée aux jeux vidéo où les jeunes développeurs peuvent gagner en visibilité, rencontrer le public, mais aussi des éditeurs ou des investisseurs. Pour l'occasion, Éric avait réservé un petit stand afin de présenter Stardew Valley, sorti six mois auparavant. Pour les développeurs indépendants, ce type de convention représente une chance considérable. Heureusement pour lui, après cinq années de difficultés, Éric Barone n'avait pas besoin de cette publicité et venait surtout en aide aux autres. Le jour de l'exposition, Stardew Valley avait déjà dépassé le million et demi d'exemplaires vendus. Un succès mondial qui avait généré plus de 21 millions de dollars de recettes. À l'âge de 28 ans, Éric Barone disposait désormais de plus de 12 millions de dollars sur son compte en banque. En quelques mois, il avait gagné plus d'argent que la plupart des développeurs pendant toute leur carrière, mais à quel prix ? Si l'on est tenté de l'envier, il est essentiel de se souvenir du parcours difficile et de la quantité énorme de travail qu'Éric a dû fournir, tout seul, épaulé par sa fantastique moitié, Amber, sans qui tout se serait écroulé. Indubitablement, le parcours d'Éric Barone n'est pas ordinaire et ne constitue probablement pas un exemple à suivre, à moins d'être prêt à faire d'importants sacrifices.

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La boucle est bouclée

Un matin, dans sa nouvelle vie, Éric a reçu, à son réveil, un message, tout comme dans Stardew Valley. Cependant, il ne s'agissait pas d'un habitant de Pelican Town lui proposant une quête, mais de quelque chose de bien plus important. Ce message provenait de Yasuhiro Wada, le créateur d'Harvest Moon en personne. Il était de passage à Seattle et souhaitait rencontrer ce jeune développeur talentueux qui s'était inspiré de ses créations pour faire de Stardew Valley le succès indépendant de l'année. Incrédule, Éric a décidé d'accepter. Ils ont dîné ensemble, partagé des bières, ri et joué à leurs jeux respectifs pendant des heures, comme deux amis partageant une passion commune pour les mêmes œuvres. Cinq ans auparavant, Éric vivait chez ses parents, n'arrivait pas à trouver un emploi et s'inquiétait pour son avenir. Depuis, Éric Barone a continué à améliorer Stardew Valley avec des mises à jour régulières sur PC et sur consoles, qui permettent notamment de jouer à plusieurs en écran partagé ou en ligne. Il semble que la première rencontre avec Amber et celle avec Yasuhiro Wada l'aient incité à ajouter un aspect plus convivial et partagé à l'expérience Stardew Valley. Enfin, il est à noter qu'Éric Barone travaille depuis plusieurs années sur son prochain jeu, Haunted Chocolatier. Et, chose importante, il continue de travailler seul sur ce projet. Preuve qu'il y a finalement pris goût. Du moins, la question d'argent n'est plus un grand souci.

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