Avec le succès insolent de Black Myth : Wukong et son milliard de dollars généré deux petits mois après sa sortie, les développeurs de Game Science ont définitivement prouvé que la Chine était capable de produire des AAA solo dont les graphismes, la narration et la jouabilité sont comparables à ceux des références américaines, japonaises et européennes. Le constat est là : d’année en année, la Chine tire son épingle du jeu.
Sommaire
- Les Chinois consomment de plus en plus de jeux vidéo
- Des jeux pensés pour la Chine, mais qui rencontrent le succès à l’étranger
- Protectionnisme renforcé
- Le meilleur est-il à venir ?
Les Chinois consomment de plus en plus de jeux vidéo
C’est grâce à une étude publiée en début d’année, écrite par Matthew Ball (PDG de la société de conseil Epyllion), que nous avons une meilleure vue d’ensemble sur le marché du jeu vidéo chinois, et surtout sur sa manière de produire et de consommer le gaming. Ce qui ressort immédiatement des nombreux documents affichés, c’est que depuis 2011, les dépenses de consommation liées aux jeux vidéo en Chine ont augmenté de 39 milliards de dollars, ce qui représente environ un tiers de la croissance globale et 22 % du marché total.
Source : Matthew Ball, Epyllion

Ce que l’on peut voir en regardant d’un peu plus près les données transmises (entre autres par China Audio-Video et Digital Publishing Association) puis compilées par Matthew Ball, c’est que le mobile, relativement discret jusqu’en 2014 est devenu un moteur du chiffre d’affaires généré à partir de 2016. C’est d’ailleurs la croissance du jeu sur mobile qui a aidé à dépasser les 40 milliards de dollars dans les années 2020. Sur le plan mondial, la Chine détient à elle seule un tiers du chiffre d'affaires total du jeu sur mobiles, ce qui est évidemment impressionnant.
Source : Matthew Ball, Epyllion

Des jeux pensés pour la Chine, mais qui rencontrent le succès à l’étranger
Ce qui a tendance à agacer les joueurs/observateurs occidentaux, c’est justement que la Chine, qui compte 1,4 milliard d’habitants (pour environ 670 millions de joueurs), a tendance à se concentrer sur ses productions maison. Comme le souligne l’étude, seulement 20 % des dépenses des joueurs chinois sont consacrées à des jeux qui ne proviennent pas de Chine. Certes, beaucoup de jeux ne visitent pas le pays ou sont tout simplement interdits, à l’image de GTA V, certains épisodes de Battlefield/Call of Duty, voire même d’Animal Crossing : New Horizons. En outre, sur les 1 400 jeux approuvés par le gouvernement chinois en 2024, il n’y a en a que 110 qui viennent de l’étranger. Si les dépenses totales ont augmenté de 50 % depuis 2017, les dépenses dans les jeux qui ne sont pas produits en Chine ont baissé de 5 %. Alors que les hautes instances chinoises ont procédé à plusieurs réglementations introduisant une certaine dose d’incertitude dans la dynamique du marché chinois, de 2011 à 2024, la part des jeux fabriqués en Chine dans les revenus générés est passée de 60 % à 80 %.


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Les studios chinois savent que cibler les joueurs de leur pays – composé pour rappel de 1,4 milliard d’habitants – est suffisant pour dégager un gros chiffre d’affaires. Ce que l’on constate, c’est que les jeux AAA chinois commencent à atteindre des chiffres de vente en Chine qui défient les ventes mondiales des gros jeux occidentaux et Japonais. Oui, vous avez bien lu, les ventes d’un seul territoire sont équivalentes à des ventes mondiales ! C’est ce que l’on a vu récemment avec Black Myth : Wukong face à The Legend of Zelda : Breath of the Wild, God of War, Elden Ring ou encore Baldur’s Gate 3, pourtant considérés comme des succès à la fois critiques et commerciaux. Il faut reconnaître que Black Myth : Wukong est souvent perçu comme le premier jeu produit en Chine dont le niveau de production est équivalent aux créations de From Software et autres Team Ninja.
Source : Matthew Ball, Epyllion

Protectionnisme renforcé
Ce qui est intéressant avec le cas Black Myth : Wukong, c’est qu’au moins 75 % des exemplaires vendus proviendraient de Chine. D’une manière générale, les consommateurs chinois ont tendance à s'orienter vers des produits culturels locaux. Bien sûr, ce protectionnisme n’est pas totalement nouveau, mais depuis une décennie, il se constate plus largement dans les chiffres. Ces deux dernières années par exemple, et comme le montre le rapport de Matthew Ball, aucun film étranger ne se trouve dans le top 10 des longs-métrages ayant généré le plus d’audience, alors que l’on en comptait encore 4 en 2018. Ce qu’indique l’étude, c’est que pour les développeurs chinois, produire du divertissement ciblant en priorité le public chinois est une priorité.

En parallèle, les joueurs qui habitent en dehors de Chine consomment de plus en plus de créations chinoises. Genshin Impact est l'un des rares titres à avoir rapporté plus de 9 milliards de dollars, dont 44 % en dehors de Chine. Marvel Rivals, qui malgré son titre très américain est en fait conçu par NetEase, est l'une des sorties les plus fructueuses de ces dernières années. Comme le souligne le rapport, la part des jeux chinois dans les dépenses de contenu hors Chine est passée de 0,5 % à 13 % en 13 ans, soit de 360 millions de dollars à 19 milliards de dollars par an. Une progression fulgurante qui fait forcément des victimes à l’Ouest.



Le meilleur est-il à venir ?
D'après les données recueillies par Matthew Ball, la croissance totale des développeurs non chinois depuis 2011 serait moins importante que cela aurait été suggéré dans divers articles. Il suffit de voir un graphique sur les ventes mondiales liées au jeu vidéo pour se rendre compte de l’importance de la Chine (environ 60 milliards sur les 200 milliards de dollars générés en 2024). La Chine est donc le marché non occidental le plus vaste et le plus mature. Ce n’est pas pour rien que nous retrouvons deux sociétés chinoises dans le top 5 des entreprises de jeux vidéo générant le plus de revenus, avec Tencent et NetEase. Ces deux géants ont d'ailleurs beaucoup investi dans des sociétés occidentales afin de contourner les réglementations de leur pays, même si NetEase semble revenir sur cette stratégie, menaçant la survie de plusieurs studios.
Source : Matthew Ball, Epyllion

Au moment où l’Unreal Engine est suffisamment documenté pour les développeurs asiatiques et où l’IA générative s’invite dans les studios, le jeu vidéo AAA chinois est en pleine transition. Avec une production value digne des références actuelles, les softs chinois pensés pour être consommés localement rencontrent des succès croissants hors de leur terre d’origine. Il reste à voir si des titres tels que Lost Soul Aside, Phantom Blade Zero ou encore Wuchang : Fallen Feathers s’imposeront avec la poigne de fer de Black Myth : Wukong. Réponse dans quelques mois !