“Quand tout le monde joue, tout le monde gagne”. Ce slogan n’est pas aussi récent qu’on ne le pense. 30 ans avant les sorties de la manette adaptative Xbox et du PlayStation Access Controller, Nintendo lançait le premier accessoire destiné aux jeunes joueurs en situation de handicap. Un périphérique révolutionnaire aujourd’hui très recherché par les collectionneurs.
Sommaire
- “Nous gagnons tous”
- Peu flexible en 2025
- Kit mains libres pour console des années 1980
- Mario et Link à l’hôpital
- Prix coûtant
“Nous gagnons tous”
L’accessibilité dans le monde du jeu vidéo a beaucoup fait parler d’elle au cours de ces dix dernières années. Ce qu’il y a à retenir des initiatives majeures, ce sont les deux périphériques conçus par Microsoft et Sony – le Xbox Adaptive Controller en 2018 et le PlayStation Access Controller en 2023 – ainsi que les dizaines d’options nouvelles apparues dans nos jeux vidéo préférés. Personnalisation des touches, contraste élevé, mode daltonien, synthèse vocale, limitation des effets stroboscopiques, ralentissement du jeu, invincibilité, filtres divers… de The Last of Us Part II à God of War Ragnarok, en passant par Forza Horizon 5 et Sea of Thieves, nos jeux vidéo ont multiplié les paramètres à modifier afin d’inclure un maximum de joueurs dans leurs univers respectifs. Bizarrement, ce sont les mondes colorés et enjôleurs de Nintendo qui ont le plus de mal à s’adapter à l’inclusivité.

Peu flexible en 2025
La Nintendo Switch, sous son aura de machine pensée “pour toutes et tous” grâce à ses nombreux jeux calibrés pour toute la famille, accuse un sacré retard par rapport aux machines concurrentes en matière d’accessibilité. Les options de l’hybride n’accueillent ni fonction “copilot” (permettant à un deuxième utilisateur de contrôler un soft en même temps que le premier), ni contrastes élevés, ni filtres de couleurs, ni synthèse vocale. En outre, Nintendo est le seul des trois grands constructeurs à ne pas proposer de balises d'accessibilité dans son eShop, limitant les renseignements avant un achat. Les papas de Mario sortent encore trop fréquemment des titres avec des contrôles de mouvement inévitables ainsi que des jeux aux réglages d’accessibilité pratiquement absents.

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La Switch doit également se contenter du Flex Controller développé par Hori, la firme de Kyoto n’ayant pas développé son propre périphérique dédié aux personnes en situation de handicap. Cette situation a poussé certains possesseurs de Switch à trouver des alternatives dans l’impression 3D, tant que le constructeur paraît indifférent aux problèmes liés à une perte d'autonomie.

Kit mains libres pour console des années 1980
Si en 2025 Nintendo est toujours le mauvais élève du fond de la classe qui ignore encore un petit peu trop régulièrement les joueurs ayant besoin d’un choix plus large d’options/d’accessoires pour s’amuser comme les autres, cela n’a pas toujours été le cas. En fait, le groupe japonais a même fait partie des pionniers de l’accessibilité dans nos univers pixellisés. Périphérique largement oublié de la “playhistoire” à cause de sa grande rareté, le NES Hands Free est sorti au printemps 1989 d’abord aux Etats-Unis avant d'arriver en France quatre ans plus tard sous le sobriquet de “système mains libres”.

Comme son nom l’indique, l’accessoire est conçu pour que les personnes n’ayant pas l’usage de leurs mains puissent jouer comme n’importe qui d’autre. Par l’intermédiaire d’un boîtier relié à la console, le joueur a en effet accès à un tuyau, mais aussi à un petit joystick. Comment tout cela fonctionne ? C’est simple, en soufflant et en aspirant légèrement dans le tube, cela active les boutons “A” et “B”, tandis que souffler ou aspirer plus fortement active les touches “select” et “start”. La direction du personnage se fait en utilisant le joystick à bouger grâce à des mouvements du menton. Le Hands Free permet donc à n'importe quelle personne tétraplégique de s'amuser seule, mais également avec un ami. Étant donné qu’il est reconnu comme un pad tout ce qu’il y a de plus classique par la console, il n’y a aucun problème pour jouer à deux.
Bien pensé, le Hands Free a aussi la bonne idée d’être plutôt léger avec un poids de 1,3 kg. Se posant sur la poitrine de l’utilisateur grâce à des sangles à mettre autour du cou, l’objet peut être utilisé aussi bien assis qu’allongé. L’accessoire dispose bien évidemment d’un panneau de commande permettant de paramétrer les niveaux de pression (du souffle), d’un tube flexible pouvant s’adapter à n’importe quelle morphologie, d’un bras dont l’angle peut être changé grâce à des boutons de serrage, et d’une mentonnière pouvant être remplacée par une bille de plastique. Bien qu’aucune solution ne soit proposée pour profiter de softs nécessitant d’appuyer sur “A” et “B” en même temps, ou pour les titres tels que Duck Hunt se jouant au Zapper Gun, ce kit “mains libres” est une solution novatrice qui a aboli beaucoup de barrières.

Mario et Link à l’hôpital
Un des guides d'utilisation français précise que ce kit apporte "une certaine normalisation de vie" aux personnes en situation de handicap. "La confiance en soi et l'indépendance qui en résultent contribuent de façon significative à leur réhabilitation psychologique et physique", précise Nintendo. "Certains centres de rééducation et de réadaptation fonctionnelles effectuent des tests sur cette manette et les résultats sont très encourageants" ajoute-t-il. En réalité, cela fait depuis plusieurs années, à ce moment-là, que les données liées au périphérique sont analysées. Il a effectivement été développé à l'hôpital pour enfants de Seattle, non loin des locaux de Nintendo of America, avec l'aide de plusieurs enfants et des équipes soignantes.

Car oui, c’est bien Nintendo of America, et non la maison-mère japonaise, qui est à l’initiative de ce projet. Dans un épisode des Oubliés de la Playhistoire, Florent Gorges explique l’idée du Hands Free en citant l’histoire d’une mère de famille ayant contacté le standard de Nintendo of America, retrouvée dans les lignes du Nintendo Fun Club de l’hiver 1987. Cette maman expliquait chercher des solutions pour que sa fille, amoureuse des jeux de sa NES, puisse jouer de nouveau suite à un lourd accident lui ayant fait perdre l’usage de ses mains. L’entreprise aurait alors pris conscience que des milliers d’enfants dans le monde n'auraient pas la possibilité de s’amuser comme leurs frères, sœurs ou amis 100 % valides à cause de soucis physiques, et auraient planché sur une solution.


Prix coûtant
Que les motivations initiales de Nintendo of America soient vraies ou largement romancées, cela n’a finalement pas d’importance. Le Hands Free est un objet aussi utile que révolutionnaire qui aurait dû ouvrir la voie à plus d’accessibilité dans le monde du jeu vidéo dès la fin des années 1980. Cela n’a malheureusement pas été le cas, et les familles ont dû se battre trop longtemps avant que les géants de l’industrie ne fassent de nouveau attention à l’inclusivité. Il est malheureusement déplorable de constater qu’après avoir été l’instigateur du “gaming pour tous” grâce au Hands Free, Nintendo ne soit même pas un bon suiveur aujourd’hui.
Nintendo's 1990 NES Hands Free controller helped gamers overcome physical limitations-this copy & press release in collections @museumofplay pic.twitter.com/VlrkQGs32c
— Jon-Paul Dyson (@jpdysonplay) October 9, 2017
Ce système “mains libres” pensé pour les personnes en situations de handicap est donc un lointain coup d’essai pour Nintendo. Certains diront qu’il s’agit même d’une anomalie dans l’histoire du groupe japonais. Ce qui est sûr, c’est que sa rareté fascine les collectionneurs. Ce dispositif fut initialement distribué dans les centres spécialisés et dans les hôpitaux. Bien que normalement réservé aux professionnels, l'objet pouvait être acheté à prix coûtant (990 francs, environ 250 euros avec l’inflation) en contactant directement le service clientèle de Nintendo. Quasiment introuvable aujourd’hui, le Hands Free peut être acheté à des prix avoisinant les 1 500 dollars sur les sites de revente, voire 5 000 euros si la boîte est encore là.