Demandez à qui vous voulez, même à une IA : il y a de fortes chances pour que l’on vous dise que le premier jeu vidéo à avoir été adapté en film soit Super Mario Bros. en 1993. Ce n’est pourtant pas vrai. Cinq années auparavant, en 1988, c’est un Beat’em up de Namco qui connaît s’infiltre dans les salles obscures.
Sommaire
- Mamma Mia !
- Entre traditions et… ninjas du futur !
- Un “Star Wars” avec des “samouraïs SF”
Mamma Mia !
Wikipedia, ChatGPT… tous s’accordent pour dire que Super Mario Bros. le film, sorti en 1993, est “le premier film en prise de vues réelles inspiré d'un jeu vidéo”. “Bien qu'il ait été un échec critique et commercial, il est historique pour avoir ouvert la voie aux adaptations cinématographiques de jeux vidéo”, peut-on lire. Il est vrai que dans de nombreux livres d’histoire traitant du gaming ou du cinéma, il est commun de voir que l’oeuvre réalisée par Rocky Morton et Annabel Jankel – avec Bob Hoskins (Mario), John Leguizamo (Luigi), Dennis Hopper (roi Koopa) et Samantha Mathis (Princesse Daisy) – serait pionnière dans son genre et aurait permis de voir débarquer des Street Fighter et autres Mortal Kombat avec de vrais comédiens interprétant des personnages normalement faits de pixels. Pourtant, cette distinction de premier de cordée est infondée.

Les fans de la première heure (oui, il y en a, nourris aux juteuses publications de Smbmovie), vont peut-être hurler leur mécontentement. Que va-t-il rester au film live action Super Mario Bros s’il n’est même pas la première adaptation cinématographique d’un jeu vidéo ? Pas grand-chose, en fait, si ce n’est une interprétation totalement stupéfiante de l’univers inventé par Nintendo avec un monde souterrain dystopique et une mycose intelligente qui recouvre les murs de la ville de Dinohattan. Un ratage complet qui a coûté environ 50 millions de dollars pour n’en rapporter que 20 millions. Un accident industriel tellement important que les papas de Mario ne produiront plus de films venant de leurs jeux pendant 30 années. C’est un froid glacial digne de La descente givrée qui s’est donc emparé de Nintendo de 1993 à 2023. Et tout ça pour que le film commis par Rocky Morton et Annabel Jankel ne soit même plus considéré comme fondateur de quelque chose ?

Entre traditions et… ninjas du futur !
Non, Super Mario Bros. n’est pas le premier film de l’histoire à avoir adapté en prises de vues réelles un jeu vidéo. Le véritable pionnier, jusqu’à preuve du contraire, est Mira Ninja : Keigumo Kinin Gaiden, aussi connu sous les noms de Cyber Ninja, Warlord et Robo Ninja. Adaptation de Mirai Ninja, jeu d’arcade façonné par Namco en 1988, le film live action sort la même année que le Beat’em up développé pour le Namco System 2. Chose assez surprenante, le réalisateur du film n’est autre que celui qui s’est occupé des designs des protagonistes du jeu : Keita Amemiya, qui se fera aussi connaître pour avoir réalisé les Garo, et pour avoir été character designer sur Clock Tower 3, Onimusha 2, Onimusha 3 ou encore Shin Megami Tensei IV.
Mirai Ninja parle d’un homme qui fait équipe avec un maître guerrier nommé Shiranui, qui a été capturé par les forces du mal et transformé en cyber ninja sans âme. Le but du jeu est de détruire tous les ennemis qui de dressent sur le chemin jusqu’à mettre une rouste au maître diabolique connu sous le nom de “Shikinami Kurosagi” afin de libérer la princesse Saki de l'armée de ninjas cyborgs qui l'a kidnappée. Dans les faits, le titre ressemble à un Ninja Gaiden/Shadow Warriors, ou encore à Genpei Tōma Den, avec son Ninja qui court dans tous les sens, balance des shurikens à tour de bras, frappe au katana, et saute partout. Le défilement latéral fait passer Mirai Ninja pour une production très classique des années 1980, mais les adversaires, souvent inspirés par des créatures du folklore japonais, apportent un mélange des genres intéressants, à mi-chemin entre les éléments traditionnels japonais et la science-fiction.



Un “Star Wars” avec des “samouraïs SF”
La bande-annonce du film, qui affiche différentes séquences finalement assez proches de celles que l’on voit dans le jeu, met en avant “des effets spéciaux non-stop”, pour un film “délicieusement original” de “samouraïs SF (...) qui rappelle Star Wars”, lit-on. Rien que ça ! Sorti à la fin de l’année 1988 dans différentes salles du Japon, le film Mirai Ninja, contrairement aux Star Wars de George Lucas auxquels il aime se comparer dans les trailers, ne fait pas grand bruit. Bien qu’il soit distribué au Japon, au Canada, aux États-Unis et au Royaume-Uni, le long-métrage reste confidentiel et nous n’en aurions sûrement jamais entendu parler en France si certains spécialistes n’avaient pas découvert cette étrange production pensée à la fois pour envahir les salles d’arcade et s’inviter dans les magnétoscopes familiaux.
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Alors on vous voit venir. Avec deux projets pensés en parallèle, un jeu et un film, ne faudrait-il pas plutôt classer Mira Ninja comme le premier projet cross-media de l’histoire, plutôt que comme la première adaptation ? Car si nous comparons les dates, le long-métrage a été présenté la première fois au Festival du film fantastique de Tokyo d'octobre 1988, or, le jeu est sorti en novembre 1988. Peut-on vraiment parler d’adaptation cinématographique d’un jeu quand le jeu sort après les premières diffusions en salle ? Développés en même temps, les deux projets sont arrivés quasiment au même moment. Alors, qui a le plus influencé l’autre ?



Namco répond officiellement à cette question dans un flyer qui peut être consulté par ici. "Êtes-vous capable de citer un seul jeu ayant été adapté au cinéma par le passé ?", lit-on, avant de voir que Mira Ninja est un “jeu vidéo qui a donné naissance à un film”. Les concepteurs ont tranché, le doute n’est plus permis. Si vous voulez vous faire votre propre avis sur le titre, sachez qu’il est jouable via la collection Arcade Archives de la Nintendo Switch.