Life is Strange : Dix ans d'un jeu vidéo emblématique explorant l'adolescence et l'influence de Twin Peaks

Titre original : Le meilleur jeu vidéo inspiré de Twin Peaks fête ses 10 ans, jamais une licence n'a aussi bien exploré l'adolescence

L’un des plus beaux jeux narratifs de l’histoire du jeu vidéo souffle ses 10 bougies. Retour sur l’odyssée émotionnelle de Life is Strange, un jeu qui explore l’adolescence, le choix et les conséquences de façon inoubliable.

Dix ans plus tôt, les Français de Don’t nod s’écartaient du genre action-aventure pour s’élancer vers le chemin brumeux du jeu narratif avec ce que l’on considère encore aujourd’hui comme l’un des plus grands piliers de son domaine : Life is Strange, une proposition alors inspirée du succès de quelques autres productions : Heavy Rain, The Walking Dead, Gone Home, ou même d’un roman, L'Attrape-cœurs, lequel raconte l’errance solitaire d’un ado à travers la ville de New York. L’héroïne, Max Caulfield, emprunte même le nom du héros littéraire, Holden Caulfield. Le scénariste, Jean-Luc Cano, confiera aussi que les œuvres de Stephen King ont été une source d’idées pour l'intrigue et l'univers du jeu. Le développement de Life is Strange débute réellement en avril 2013 avec une petite équipe de 15 personnes, qui passera très vite à 40. En résulte une odyssée émotionnelle et épique à travers l'adolescence, le choix et les conséquences, vendue à plus de trois millions d’exemplaires dans le monde.

Au coeur des complexités de l'adolescence

L'histoire de Life is Strange débute grâce au précédent titre de Don't nod, Remember Me, une expérience déjà mémorable plantée en 2084 à Neo-Paris, ville aux prises avec la société fictive de Memorize qui y contrôle le commerce de souvenirs numérisés. La mécanique de "remix de mémoire", qui permettait aux joueurs d'altérer les événements passés, a jeté les bases d'un gameplay de retour en arrière dans le temps qui allait devenir une caractéristique centrale du premier épisode de LiS. Ici, elle sert aussi à la narration en incarnant une métaphore des complexités de l'adolescence. Michel Koch, directeur artistique, a expliqué : "Nous savions que nous voulions utiliser ce mécanisme de retour en arrière comme un outil, comme une métaphore, pour raconter cette histoire d'apprentissage."

Le meilleur jeu vidéo inspiré de Twin Peaks fête ses 10 ans, jamais une licence n'a aussi bien exploré l'adolescence

Le récit du jeu, initialement conçu en français par Cano et adapté pour le public anglophone par Christian Divine, tourne autour de la relation entre les adolescentes Max et Chloe, dont l’amie, une étudiante du lycée de Blackwell nommée Rachel, a disparu mystérieusement depuis quelque temps. Le duo va ardemment enquêter sur cette affaire, mais les capacités surnaturelles de la jeune Max vont très tôt perturber leurs plans, d’autant qu’elles ne viennent pas seules et s'accompagnent d'une vision perturbante : celle d'un futur apocalyptique incarné par une tornade destructrice qui pèse sur les épaules du joueur tout au long de l'aventure.

Un univers absolument mémorable

Life is Strange, c’est aussi un style visuel unique, fait de textures peintes à la main pour un rendu impressionniste, tandis que les artistes s’efforcent de traduire le style pictural d'Edouard Caplain dans l'environnement 3D. On se rappelle également du titre pour son cadre, méticuleusement conçu pour retranscrire l’ambiance nostalgique et automnale de la région du Nord-Ouest Pacifique des États-Unis. L'équipe de développement a sillonné la côte de l'Oregon et s'est inspirée des villes d'Astoria et de Garibaldi pour tisser proprement les contours de la ville fictive d'Arcadia Bay. Lorsque les contraintes budgétaires empêchaient de voyager, ils utilisaient Google Street View pour recueillir des captures d'écran de référence, quand ils n’avaient plus d’idées à tirer de Twin Peaks, une autre inspiration majeure. On la retrouve dans des références directes, comme des rideaux rouges, une plaque d'immatriculation portant la mention "TWN PKS", mais également dans d’autres aspects plus subtils : la ville et ses mystères, les doubles vies cachées et les démons quotidiens qui tourmentent les habitants. D’ailleurs, Life is Strange a été formaté comme un titre épisodique, un peu comme une série télévisée. Une manière habile et peu explorée d’avoir la mainmise sur le rythme et l'expérience du joueur, en intégrant des modifications en fonction des réactions de ce dernier.

Le meilleur jeu vidéo inspiré de Twin Peaks fête ses 10 ans, jamais une licence n'a aussi bien exploré l'adolescence

Et bien sûr, Life is Strange serait bien moins emblématique sans sa bande-son légendaire et mélancolique, laquelle conjugue des pistes indépendantes sous licence avec une partition originale de Jonathan Morali de Syd Matters. Selon le directeur artistique Sébastien Gaillard, la musique était destinée à ajouter des couches de sens et de narration aux scènes, plutôt que d'être une "boîte à chansons". Pari réussi. Voilà une bonne occasion de vous repartager cet extrait de l’épisode 2 qui s'ouvre de manière inoubliable sur "Something Good" d'Alt-J.

"Nous sommes convaincus que les jeux vidéo devraient faire réfléchir et réagir les gens"

Sous ses jolies couleurs et ses accords de guitares, Life is Strange abrite des sujets très sérieux. Le jeu aborde des questions sociales dures : l'intimidation, la dépression, le suicide, l'addiction et la violence domestique. Autant de thématiques traitées avec respect et précision selon les recherches considérables des développeurs pour représenter ces problèmes avec suffisamment de sensibilité pour toucher une communauté de millions de personnes qui a joué un rôle crucial dans la popularité durable du titre. Les contenus créés par les fans, les podcasts, les fan art et le cosplay, ont maintenu la licence en vie. Citons notamment le Blackwell Podcast, un format créé par des adeptes de la saga pour nourrir les discussions sur le titre et qui a également permis de collecter près de 10 000 dollars pour des œuvres de charité. Et mentionnons Life is Strange Fans, un site Web qui sert de centre névralgique pour tout ce qui concerne la licence, avec des fonctionnalités de réseau social, des concours et un "Kate's Support Club" où les utilisateurs peuvent discuter de questions sociales. Comme l'a dit le producteur, Luc Baghadoust : "Nous sommes convaincus que les jeux vidéo devraient faire réfléchir et réagir les gens", et Life is Strange l'a fait. Bon anniversaire !