Little Computer People : Le précurseur des Sims qui a révolutionné le jeu vidéo en simulant la vie en 1985

Titre original : “L’un des challenges les plus difficiles de ma carrière” 15 ans avant Les Sims, ce jeu vidéo simulait la vie. Un détail le rend unique

Alors que nous soufflerons les 25 bougies des Sims le 4 février 2025, nous fêtons également cette année les 40 ans du premier jeu qui simulait la vie, celle d’un petit personnage habitant à l’intérieur de nos ordinateurs. Doté d’un concept génial mais difficilement vendable aux joueurs de 1985, Little Computer People a fait perdre de l’argent à Activision. L’heure n’est pas aux regrets, mais à la célébration.

Sommaire

  • Un ami dans l’ordi
  • Petit par la taille, grand par la personnalité
  • De l’aquarium à la maison
  • Unique en son genre
  • Jouez avec la vie

Un ami dans l’ordi

Les petits personnages des ordinateurs attendent que tu deviennes leur ami”. C’est cette phrase qui est inscrite en grand sur la boîte du jeu Little Computer People édité par Activision. En dessous, deux courts paragraphes tentent d’expliquer son concept. Il y est question de petits êtres à observer avec lesquels il est possible de communiquer et de jouer. “Il compte sur vous pour la nourriture, l’eau et l’amitié”, voit-on à côté de captures d’écrans affichant différentes pièces d’une maison. Sorti sur Commodore 64, Amstrad CPC, Atari ST, ZX Spectrum et Apple II en 1985, avant d'arriver sur Amiga et même sur le Disk System de la Famicom (sous le nom de Apple Town Monogatari), ce drôle de titre est, au moment de sa sortie, inclassable. Littéralement. Ici, pas de plates-formes sur lesquelles sauter ni de trésors à débusquer dans de sombres donjons. Little Computer People n’est pas un platformer, ni un jeu d’aventure… Il est une sorte de Tamagotchi, 10 ans avant que Bandai ne fasse fortune avec sa célèbre gamme de jouets.

Crédit image : CPCrulez

“L’un des challenges les plus difficiles de ma carrière” 15 ans avant Les Sims, ce jeu vidéo simulait la vie. Un détail le rend unique

Lorsqu’on lance le soft édité par Activision pour la première fois, ce dernier exige de connaître notre nom, la date et l’heure. Une fois les données enregistrées, une maison en vue de coupe apparaît à l’écran. On découvre alors un salon, une cuisine, une salle de jeux, une salle de bain, des toilettes, une chambre et un grenier aménagé sous les combles. Après quelques minutes, un petit personnage entre dans la maison, fait le tour du propriétaire, sort chercher son chien, puis s’installe pour de bon. C’est un Little Computer People (LCP) ! Ce dernier vit sa vie. Il allume la TV, se met à jouer un peu de piano, puis s’installe à la machine à écrire. “Cher utilisateur, je suppose que je peux vous laisser le soin de veiller à ce que je ne manque pas d'eau. N'oublie pas de me contacter de temps en temps. Amitié, William”. Le nom aurait pu être John, Ronald, Brian, Tyler ou une des 256 possibilités, mais le but du jeu reste le même : veiller à ce que le LCP ainsi que son chien ne manquent de rien. Nourriture, distractions, gratouilles, interactions : le gentil squatteur d’ordi est un nouveau membre de la famille qui doit être au centre de toutes les attentions !


Petit par la taille, grand par la personnalité

Bien que l’habitant de la maison soit capable d’effectuer diverses activités seul, comme regarder la TV, jouer de la musique, lire un livre (entre autres), plusieurs tâches nécessitent notre participation. Via un système de commandes à effectuer au clavier, différentes choses peuvent être livrées au personnage, telles que des disques, des livres, des vivres et de l’eau. Le joueur peut aussi faire sonner le réveil et le téléphone histoire de rythmer les journées de son protégé. Quant aux petites/grosses commissions et à la douche, le LCP gère seul. De quoi le rendre plus autonome que les Sims qui débarqueront pourtant 15 ans plus tard ! Cerise sur le gâteau, le jeu d’Activision donne l’opportunité de communiquer directement avec le bonhomme via des phrases à inscrire au clavier. On peut lui demander de faire du feu, de jouer aux cartes, de se brosser les dents ou tout simplement d’écrire une lettre afin d’en savoir plus sur ce qui le préoccupe. Comme dans la vraie vie, le LCP a le choix entre vous écouter et faire la sourde oreille. Quoi ? Ces bestioles ont une vraie personnalité ?

Crédit image : Abandonware (YouTube)

“L’un des challenges les plus difficiles de ma carrière” 15 ans avant Les Sims, ce jeu vidéo simulait la vie. Un détail le rend unique“L’un des challenges les plus difficiles de ma carrière” 15 ans avant Les Sims, ce jeu vidéo simulait la vie. Un détail le rend unique

Voir Nintendo Switch sur Amazon

Plus le joueur répond aux attentes de ce drôle de locataire, plus ce dernier est heureux… et plus il écoute son père virtuel le sourire aux lèvres. Divisée en trois niveaux (heureux, neutre, triste), l’humeur du LCP est à surveiller attentivement. Pire, le bonhomme peut tomber malade si ses besoins vitaux ne sont pas assurés. En cas de moral dans les chaussettes, l’utilisateur doit veiller à comprendre ce qui ne va pas en communiquant avec le personnage (le plus poliment possible, en n’oubliant pas d’écrire “s’il vous plaît” et “merci”), en lui faisant quelques câlins (grâce à un bras articulé) et en jouant avec lui. Le joueur a en effet accès à cinq mini-jeux pour s’amuser avec son camarade : Anagrammes, bataille, poker, black jack, énigmes basées sur les mots… il y en a pour (presque) tous les goûts. À l’instar de ce que feront les Sims plus tard, les LCPs parlent un charabia incompréhensible totalement désopilant, mais contrairement à la production de Will Wright, il n’est pas possible d’effectuer de home staging.


De l’aquarium à la maison

S’il est courant de lire que Little Computer People a été pensé par le papa de Pitfall, à savoir David Crane, l’histoire est un petit peu plus complexe. L’idée de base vient en fait d’un certain Rich Gold, à la fois artiste et ingénieur. Persuadé qu’il peut créer une sorte d’aquarium virtuel où les joueurs seraient passionnés par le simple fait de voir des créatures virtuelles vivre leur vie, il engage des programmeurs et débute la production. Une fois le projet bouclé, il démarche différents éditeurs afin de vendre son soft, dont Activision. C’est de cette façon que David Crane entend parler de cette idée originale. Cependant, quand il découvre le projet, il ne peut s’empêcher de penser qu’il faut pousser le concept beaucoup plus loin.

Crédit image : MontyMole1976 (YouTube)

“L’un des challenges les plus difficiles de ma carrière” 15 ans avant Les Sims, ce jeu vidéo simulait la vie. Un détail le rend unique

À sa demande, Activision rachète les droits et lui confie le bébé à rhabiller. “Ainsi débuta l’un des challenges de programmation les plus difficiles de ma carrière”, reconnaît David Crane dans les lignes de Joystick n°180 (p.135). Il doit décoder les dizaines de milliers de lignes de code d’autres programmeurs et multiplier les interactions avec l’habitant de la maison, quitte à s’éloigner drastiquement des fondations de Rich Gold.


Unique en son genre

David Crane veut mettre au point l’intelligence artificielle la plus impressionnante du moment. Pour y parvenir, il ajoute des centaines de paramètres régulièrement pris en compte par le LCP tout en axant le principe sur le fait que le petit personnage a le droit de n’en faire qu’à sa tête. “Même avec le code lisible en face moi je ne pouvais jamais prévoir avec certitude ce que le LCP allait faire ensuite”, avoue Crane, toujours chez Joystick. Cette personnalité virtuelle insondable, pensée pour s’approcher de ce que l’on connaît dans notre réalité, est la force majeure de Little Computer People. Voulant jouer la carte de l’expérience originale jusqu’au bout, Activision propose que chaque LCP soit unique. Lorsque le joueur se procure une boîte du titre, il adopte donc un caractère unique qui a des préoccupations, des intérêts, un sens des responsabilités, un look et des besoins qui lui sont propres.

Crédit image : Dogmeatman (YouTube)

“L’un des challenges les plus difficiles de ma carrière” 15 ans avant Les Sims, ce jeu vidéo simulait la vie. Un détail le rend unique“L’un des challenges les plus difficiles de ma carrière” 15 ans avant Les Sims, ce jeu vidéo simulait la vie. Un détail le rend unique

Oui, c’est allé très loin, peut-être même trop. Après deux années de développement (une avec Rich Gold aux commandes puis une autre avec David Crane), soit un temps trois à quatre fois supérieur de ce que l’on voit à l’époque, Little Computer People arrive dans une certaine indifférence. La critique l’adore, mais les joueurs ne se jettent pas dessus, sûrement à cause de son concept trop étrange. Le projet ne rentre pas dans ses frais et fait perdre de l’argent à Activision. Dommage, car Crane avait tout un tas d'idées d'add-ons afin d'améliorer le concept.

“L’un des challenges les plus difficiles de ma carrière” 15 ans avant Les Sims, ce jeu vidéo simulait la vie. Un détail le rend unique

Jouez avec la vie

Les histoires prouvant que les LCPs ont retourné le cerveau des familles qui en ont adoptés sont nombreuses. Il y a celle de cette grand-mère dont les petits-enfants jouaient chez elles au soft d'Activision sur C64 en attendant l’arrivée de leurs parents, qui a acheté deux autres machines et exemplaires du soft afin que les trois enfants, totalement fans de LCP, puissent s’amuser. Crane a également dû développer un outil pour “transplanter” les cerveaux des LCPs endommagés à cause des bugs de sauvegarde : les joueurs exigeaient de retrouver “leur” petit garnement en cas de problème, et non un nouveau personnage. Dans son article racontant son expérience sur le jeu, JPB de Grospixels écrit : je ne sais pas s'il est possible de laisser mourir un LCP : je n'ai jamais eu le cœur d'essayer”. Pas de doute, le simulateur de vie est né.